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L’édito de Bénédicte Hautefort

OL Group : quand les clubs de foot se retirent de la bourse

Le milliardaire américain John Textor a le sens de l’à-propos : il boucle le rachat de l’Olympique Lyonnais juste à l’ouverture de la Coupe du Monde 2022. Il paie 800 millions d’euros pour racheter les parts du groupe Pathé, du fond chinois IDG et celles du fondateur Jean-Michel Aulas, et enfin lancer une OPA pour racheter les petits porteurs. Eux auront beaucoup perdu : l’OPA est à 3 euros, certes un peu au-dessus du cours actuel de 2,79 euros ; mais l’introduction s’est faite en 2007 à 24 euros. Sur les forums d’actionnaires individuels, John Textor est violemment critiqué.

OL Group n’est pas le seul. C’est tout un secteur qui se retire de la bourse, et avec lui, les économies des petits porteurs, souvent les supporters. Après cette opération spectaculaire, il ne restera en Europe que 5 clubs majeurs cotés : en Italie, la Juventus, l’AS Roma et la Lazio de Rome, pour une capitalisation boursière de 1,7 milliard d’euros, dont 1,3 milliard pour la Juventus de Turin ; en Allemagne le Borussia Dortmund, 787 millions d’euros ; aux Pays-Bas, l’Ajax, 213 millions d’euros. En 2003, à la grande époque, ils étaient près de 37 clubs cotés en Europe, pour près de 30 milliards d’euros de capitalisation boursière. Ils ont, au fil de retrait, perdu en moyenne 70 à 80% de leur mise

Les clubs de foot ont pourtant beaucoup aimé la bourse. Le premier club coté a été le britannique Tottenham, en avril 1983.  Plusieurs dizaines de clubs lui ont emboité le pas. Manchester United, Manchester City, Arsenal, Chelsea, Newcastle et OL Group bien sûr, et aussi Istres en France. L’argumentaire de la mise en bourse était immuable : la construction d’un stade pour l’équipe, parfois d’un centre commercial en plus pour les supporters. Les actionnaires finançaient un actif, remboursé avec la billetterie. S’y ajoutaient les accords lucratifs avec les chaines de retransmission. Les clubs avaient même leur indice boursier vedette : le Dow Jones Stoxx Europe Football Index. Créé en 1992, il a compté jusqu’à 33 clubs de 17 pays différents.

Et puis dans les années 2000, la bulle internet a éclaté, les actionnaires individuels ont recherché des actifs moins risqués. Car la réalité avait été tout autre que la promesse : l’argent a servi majoritairement à financer les joueurs, un actif beaucoup plus incertain qu’un stade en béton.

Et les investisseurs financiers ont racheté les clubs, souvent beaucoup plus bas que leur cours d’introduction, pas parce que les recettes n’existaient pas mais parce les marchés financiers, par gros temps, surpondéraient le risque. Les actions des clubs de foot ont perdu 70 à 90% de leur valeur d’introduction. Chelsea a été racheté dès 2003 par le Russe Roman Abramovitch, pour 140 millions de livres ; il l’a revendu en mai 2022 à Todd Boehly pour 5 milliards d’euros. Manchester City, entré en Bourse en 1995, en est sorti en 2007 après son rachat par l’ex-premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, avant que ce dernier ne revende le club en 2008 au Cheikh Mansour, de la famille régnante d’Abu Dhabi, qui multiplie depuis les achats de joueurs. Birmingham City a été repris en 2009 par le millionnaire hongkongais Carson Yeung, il ne reste plus de club coté sur le marché principal de la Bourse de Londres.

En quarante ans, c’est tout un secteur bousier qui a émergé en bourse, a grimpé jusqu’à 30 milliards d’euros, et puis a éclaté. Comme une bulle. Reste la réalité économique de ces clubs, bien vivants.

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