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L’édito de Bénédicte Hautefort

Greenpeace/Totalénergies : un nouvel exemple de mise sous pression des commissaires aux comptes

La COP27 vient de s’ouvrir à Charm el-Cheikh, en Egypte. L’enjeu est d’accélérer la transition climatique en général. Pour l’instant, les media se focalisent sur le duel Greenpeace / Totalénergies. L’enjeu est double : d’une part le différent pourrait bien concerner tous les pétroliers, puisque ce que Greenpeace met en cause, c’est une norme de calcul suivie par tous les pétroliers ; d’autre part, c’est un nouvel exemple de mise sous pression des commissaires aux comptes – cette fois c’est Ernst & Young – qui avaient validé le calcul.

Retour sur l’actualité de la semaine dernière. A la veille du Sommet, Greenpeace a publié, après huit mois d’investigations et la mobilisation de nombreux experts, un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre de Totalénergies, estimant que « le compte n’y est pas ». L’ONG évalue les émissions en 2019 à quatre fois plus que les chiffres annoncés par le pétrolier :1,637 milliards de tonnes de CO2 selon Greenpeace, vs 455 millions de tonnes selon Totalénergies.

Le rapport, commenté sur France 2, a fait grand bruit. Totalénergies a immédiatement publié l’intégralité de sa méthodologie de calcul, et engagé une action judiciaire contre l’ONG pour publication d’informations trompeuse sur une société cotée. Greenpeace a répondu du tac au tac par communiqué qu’elle était tout à fait prête, saisissant l’occasion de donner un coup de griffe à son adversaire. L’ONG rappelle qu’elle a déjà déposé deux recours en justice contre le pétrolier français, l’un sur le devoir de vigilance, porté par des associations récemment rejointes par les villes de Paris et de New York ; et l’autre sur la communication sur sa trajectoire net zéro 2050, considérée par Greenpeace comme pratique commerciale trompeuse.

Le principal point de divergence porte sur la façon de comptabiliser les émissions dites « de Scope 3 ». Ce sont les émissions indirectes d’une entreprise, par exemple la pollution issue de la combustion du carburant par les clients de Totalénergies. Pour une entreprise intégrée verticalement comme le pétrolier français, compter les émissions de Scope 3 à chaque étape de la chaine de valeur revient à les compter plusieurs fois. Ce multicomptage serait, selon Greenpeace, la bonne démarche ; pour Totalénergies, non. Le groupe se réfère sur ce point aux méthodologies sectorielles publiées par l’IPIECA (International Petroleum Industry Environmental Conservation Association), elles-mêmes conformes aux méthodologies internationales issues du GHG Protocol de 1998. Afin d’éviter les doubles comptages, ces méthodologies comptabilisent le volume d’émissions le plus important sur la chaîne de valeur pétrolière ou gazière, à savoir soit la production soit les ventes. La méthodologie est identique pour les 80 plus grands pétroliers du monde – autant dire quasiment tous les acteurs pétroliers.

Par ailleurs, tout le reporting d’émissions de TotalEnergies est revu par le cabinet d’audit Ernst & Young, comme le rappelle le communiqué du pétrolier.

Nous assistons donc à une nouvelle mise sous pression des commissaires aux comptes, comme en 2021 lors de l’offensive de l’ONG Climate Action 100+. La différence est que Climate Action 100+ s’attaquait aux renouvellements des mandats des auditeurs concernés ; dans le cas Totalénergies, ce n’est pas possible : les mandats courent jusqu’en 2027.

Ernst&Young pour l’instant ne s’est pas exprimé, ni l’IPIECA.

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