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L’édito de Bénédicte Hautefort

SOLVAY et RICHEMONT contre BLUEBELL : l’activisme ESG à l’offensive

Le fond activiste Bluebell est sous les projecteurs ce mois-ci. Il remporte chez Solvay une bataille environnementale de plus de deux ans, mais perd officiellement à plate couture chez Richemont. Sauf que sa participation s’est appréciée de plus de 20% en quelques semaines.

Le fond britannique a été créé en 2019 par Francesco Trapani, patron historique de Bulgari, puis de Tiffany, conseiller de Bernard Arnault jusqu’en 2016. Avec seulement 250 millions d’euros sous gestion, il est cent fois plus petit qu’Eliott, le grand hedge fund qui depuis un demi-siècle livre combat contre les entreprises, les institutions et même les Etats. Mais Bluebell est décomplexé. La jeunesse et la petite taille n’empêche pas le succès. Le fond va droit au but et affiche sur son site la liste de ses « campagnes » contre des cibles à la stratégie ESG jugée défaillante – déjà près de 12 campagnes en moins de trois ans. Les thématiques sont la qualité de la gouvernance, la composition et le fonctionnement du conseil d’administration, la stratégie Climat.

Sur ce tableau de chasse figurent le gérant d’actif suisse GAM, la compagnie aérienne allemande Lufthansa, le banquier italien Mediobanca, le groupe allemand Hugo Boss, le chimiste belge Solvay, le fabricant d’éoliennes danois Vestas, le groupe français agro-alimentaire Danone, l’entreprise minière britannique Glencore, le verrier français Saint-Gobain, le groupe pharma britannique GlaxoSmithKline, le géant du luxe suisse Richemont. Bluebell a obtenu, en moins d’un an, qu’Emmanuel Faber quitte la direction générale de Danone ; comme Mark Langer, qui a dû quitter Hugo Boss. Les actionnaires de Glencore ont été sensibles aux arguments de Bluebell contre la stratégie Climat du groupe, votant au final à 76% seulement pour les propositions du management, un score très bas quand la moyenne sur ces sujets nouveaux est à 97%. Glencore s’est engagé à revoir sa copie et revenir avant six mois vers ses actionnaires. Le chapitre le plus récent vient de s’écrire : après deux ans d’affrontements, Solvay a aussi été contraint de s’engager à réduire l’empreinte environnementale de son carbonate de soude ; le chimiste va démarrer un plan d’investissement pour son site de Rosignano, en Italie, et va démarrer une unité pilote dans son usine de Dombasle, en Meurthe-et-Moselle. s

En apparence, Bluebell ne réussit pas à tous les coups. Les actionnaires de Saint-Gobain ne l’ont pas suivi, quand il a voulu remplacer ce printemps Pierre-André de Chalendar, le président de Saint-Gobain, par un président indépendant lors de l’assemblée générale des actionnaires de juin 2022. Pas plus que les actionnaires de Richemont cette semaine. Bluebell demandait l’élection d’un administrateur indépendant spécialiste des montres, et l’annulation des catégories d’actions – le président actuel de Richemont, Johann Rupert, seconde fortune d’Afrique du Sud, contrôle seulement 9% du capital mais avec des actions de catégorie spécifique, qui lui donnent un droit de veto absolu sur chaque membre du Conseil d’Administration.

Francesco Trapani, à la fois arrière-petit-fils du fondateur de Bulgari et fondateur de Bluebell, est allé lui-même à la bataille. Il a été balayé avec seulement 9% de votes favorables. Mais depuis l’entrée de Bluebell au printemps, le titre s’est apprécié de plus de 20%. Une opération hautement profitable pour le fond.

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