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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Comment retenir les investisseurs américains ?

Les investisseurs américains retirent leurs billes d’Europe. Blackrock a annoncé cette semaine un reflux vers les US de 7,7 milliards de dollars en août, sixième mois consécutif de sorties nettes. Un niveau record, juste derrière le mouvement de panique de juillet 2016, alors que les craintes de récession montaient à l’annonce du Brexit. La conséquence, une rotation accélérée des capitaux, et donc, pour les entreprises, le risque de voir s’inviter des actionnaires activistes, toujours prompts à saisir une opportunité.

Les capitaux qui quittent l’Europe vont sur les bons du Trésor américains, c’est-à-dire le risque zéro. Le rendement est de 3,3% aujourd’hui, son plus haut niveau depuis 2011. En d’autres termes, ils n’arbitrent pas des actions européennes vs des actions américaines. L’indice S&P 500, basé sur 500 grandes sociétés cotées aux États-Unis, affiche la même performance boursière que l’Eurostoxx500, son pendant en Europe: recul de16% depuis janvier. Les tech et pharma américaines ne sont pas épargnées, alors qu’elles sont pourtant moins sensibles que les « cycliques » européennes – énergie, industrie, banques, plus exposées aux conséquences de la guerre d’Ukraine.

L’inflation n’est pas non plus la raison de ce repli massif. L’Europe est à 9,1% selon les derniers chiffres, et amorce sa baisse après le relèvement des taux la semaine dernière. Les Etats-Unis ont commencé plus tôt à relever les taux d’intérêt et à ralentir leur inflation, mais sont toujours attendus à 8% demain lors de l’annonce de l’indice des prix à la consommation d’août aux Etats-Unis.

Si les investisseurs partent, c’est par aversion au risque. Leur scenario de base est devenu celui de la croissance zéro, voire de la récession. Ils entendent le bruit ambiant, mais pas le discours précis des entreprises, pourtant factuelles et optimistes : selon nos data Scalens, lors des résultats semestriels publiés depuis fin juillet, 29% des entreprises européennes ont revu leur prévision à la hausse. La vraie raison du départ des Américains, c’est que les entreprises manquent d’espace pour leur parler. Les « roadshows » transatlantiques ont quasiment disparu avec la crise sanitaire puis la stigmatisation des voyages en avion. Simultanément, les « brokers », grands ordonnateurs de ces rencontres, ont réduit leurs effectifs et couvrent moins de valeurs. Les entreprises ont rapatrié leur savoir-faire en interne, avec des plateformes de relations investisseurs digitales – comme celle de Scalens. Elles ciblent elles-mêmes les investisseurs à qui parler, entrent en contact, font des roadshows virtuels, informent au fil de l’eau leurs actionnaires. Mais la marche est encore haute : 450 rencontres investisseurs en moyenne en 2019 pour un directeur financier du CAC 40, moins de 150 au premier semestre 2022.

En période d’aversion au risque, il faut accélérer les roadshows ; digitaux, quand l’avion n’est plus la solution.

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