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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

La bourse préfère aujourd’hui un profit warning à l’incertitude

Carlsberg vient d’annoncer la mauvaise nouvelle : l’entreprise suspend sa « guidance » pour 2022, c’est-à-dire son objectif de croissance de 7% environ du résultat opérationnel, après une année 2021 déjà record. Le quatrième brasseur du monde explique que les ventes en Russie et Ukraine représentant 13% de son chiffre d’affaires, il sait déjà qu’il n’atteindra pas l’objectif annuel annoncé il y a un mois. D’autres groupes, plus petits, ont fait de même : Vilmorin, le français spécialiste des semences agricoles, Saipem, groupe éolien italien, ou encore Finneva, banque finlandaise. Les autres grands multinationaux restent pour l’instant silencieux. Les géants du luxe, LMVH, L’Oreal et Hermès, ont précisé en fermant leurs boutiques de Moscou que l’impact sur le chiffre d’affaires global de leurs groupes serait faible ; STMicroelectronics a indiqué qu’il « saurait gérer » les perturbations des approvisionnements en néon, un gaz essentiel à la production de semi-conducteurs ; et les grands pétroliers ont chacun souligné la faible part de la Russie dans leur chiffre d’affaires – sans faire de profit warning.

A l’annonce de ce repli le 9 mars, le cours de bourse de Carlsberg a … grimpé. De plus de 5%, avant de retomber aujourd’hui à un niveau quasi identique à celui de la veille de l’annonce. Les marchés préfèrent aujourd’hui une mauvaise nouvelle à une incertitude. Une réaction inédite, mais qui pourrait bien caractériser ce printemps 2022.

On observe en effet d’autres exemples. Le CAC 40 a déjà presque repris son niveau d’avant le 24 février. Il avait chuté de 9% à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, c’est beaucoup mais ce n’est que l’équivalent de ce que l’indice avait déjà perdu 9% par rapport au début février, au fur et à mesure des publications de résultats annuels, chacune annonçant une année 2022 plus difficile que 2021, sans beaucoup de précisions. La reprise de l’indice est bien sûr portée par le réarmement massif de tous les pays, qui bénéficie à Airbus, Dassault Systèmes, Safran et Thalès. Mais les plus fortes reprises boursières concernent des entreprises qui n’ont rien à voir avec le militaire. Les heureuses gagnantes aujourd’hui sont celles qui avaient été les plus sanctionnées par les marchés au début du conflit : Danone, Société Générale, Michelin et Stellantis, identifiées le 24 février comme très exposées, soit pour leur chiffre d’affaires soit pour leurs approvisionnements. Les entreprises ont parlé, elles ont chiffré leur risque et l’ont publié, leur cours a remonté. Une mécanique nouvelle.

La transparence serait donc, enfin, récompensée. Il est trop tôt bien sûr pour conclure à un fonctionnement établi. Et puis il y a un bémol : les marchés ne récompensent que la transparence financière. Les annonces concernant les dons, en matériel, en médicaments, en produits de première nécessité, ou en numéraire pour soutenir des actions humanitaires, n’ont eu depuis le 24 février aucun effet sur les cours de bourse. Même pour les entreprises qui ont un actionnariat à forte composante ISR. Quand il s’agit de statuer sur une entreprise confrontée à la guerre d’Ukraine, c’est encore surtout le « I » de « ISR » qui décide.   

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