Promouvoir les meilleures pratiques des sociétés cotées

Informer

La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Les fonds Apollo et SVP font passer la RSE à l’arrière plan chez Vallourec, et les actionnaires approuvent

La récente assemblée de Vallourec est un cas d’école. Le format, la gouvernance, les montants, les critères : la patte des fonds créanciers Apollo et SVP est partout, et à contre-courant des « meilleures pratiques » de RSE. Le plus préoccupant est que les actionnaires ont été nombreux à approuver. 
Touché à la fois par la crise Covid et la crise pétrolière, le spécialiste français des tubes pour l’industrie de l’énergie a converti plus de la moitié de sa dette en capital. Les fonds créanciers Apollo et SVP ont remplacé BPI comme actionnaires de référence, avec un tiers du capital. La restructuration s’est achevée en juillet 2021, Vallourec réunissait le 7 septembre ses actionnaires pour la première fois.

La symbolique commence par le lieu. Vallourec, pionnier des réunions à huis clos en 2020, premier à organiser un Q&A digital en direct, a réuni la semaine dernière ses actionnaires « à l’ancienne », c’est-à-dire physiquement, sans accès numérique simultané possible pour les actionnaires qui ne pourraient pas se déplacer. Les actionnaires individuels ne sont plus la priorité, surtout les actionnaires de province.

Comme souvent quand on convoque une assemblée pour autre chose que les comptes annuels, il s’agit de gouvernance et de rémunération des dirigeants. A l’occasion de sa restructuration financière, le groupe a opté pour le passage en Conseil d’Administration. Ce n’est pas rien, après plus d’un siècle de fonctionnement en conseil de surveillance et directoire, puisant ses racines dans l’héritage de Mannesmann. Radicale, la société a nommé un « PDG », réunissant pour la première fois de son histoire, en une main les fonctions d’exécution et de contrôle, un choix qui prend le contrepied des tendances. Le choix surprend plus encore quand le PDG est un homme : Vallourec, le groupe qui s’était enorgueilli en 2010 d’être la première société du CAC 40 présidée par une femme, Vivienne Cox, tourne la page de la parité au sommet du pouvoir. Hasard ou coïncidence, les dirigeants aux commandes des sociétés contrôlées par Leon Black, le dirigeant d’Apollo, sont des hommes.

Vallourec est la première société en France à prévoir des indemnités de déplacement pour ses administrateurs venant de loin : 8000 euros par réunion pour les administrateurs venant des Etats-Unis, de Chine et du Brésil, et 2000 euros pour les pays européens hors la France. Au final, un administrateur de Vallourec touchera entre 55 et 75 000 euros par an, peut-être plus, suivant le nombre de réunions du conseil, et plus pour les présidents de Comités. C’est supérieur à plusieurs sociétés du CAC 40. Le référentiel d’Apollo est américain, ce qui fait grimper les chiffres. Vient le débat sur le plan d’actions de performance du management. Les actions devront désormais être détenues cinq ans, sous condition de présence, avec un seul critère : le cours de bourse. Les bénéficiaires commencent à être intéressés lorsque le cours atteint 8,09 euros, soit +10% (seulement) par rapport au cours actuel. Les cliquets de déclenchement sont ensuite exponentiels. Aujourd’hui, le PDG Edouard Guinotte et le DGD Olivier Mallet ont touché aujourd’hui respectivement 1 et 0,7 millions d’actions. Soit au moins 8 millions d’euros chacun, dans cinq ans. Dans le CAC 40, seuls Dassault Systèmes et L’Oréal atteignent de tels ordres de grandeur – mais avec, pour moitié, des critères RSE. Vallourec renonce aux index Climat, objectifs de féminisation et autres critères recommandés par le Code Afep Medef et l’AMF, et requis, par exemple, par son ancien actionnaire de référence BPI, ou encore le fond Blackrock, relayés par ISS et les autres proxy. Bien sûr, ces critères RSE ne disparaissent pas totalement : ils conditionnent toujours une part du variable en numéraire du PDG, et le Conseil de Vallourec compte un Comité RSE. Mais pour les actions de performance qui sont le cœur du réacteur, seul compte désormais le cours de bourse. 
Ces choix sont surprenants, tant ils vont à l’encontre des pratiques recommandées; après tout, Apollo et SVP ne représentent à eux deux qu’un tiers du capital, ils auraient pu être contestés par les autres actionnaires. Mais ces actionnaires ont approuvé, à la quasi-unanimité, avec un taux de participation record. De quoi s’interroger sur la sincérité de leurs exigences en matière de performance extra-financière.

Numéro en cours

Numéro précédents