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La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

Hélène Bourbouloux ​Administratrice judiciaire

Administratrice judiciaire

Les fonds activistes se positionnent aujourd’hui sur les dossiers d’entreprises en difficulté, parce que la loi Pacte renforce leur pouvoir

« le projet de directive européenne renforce les droits des créanciers qui souhaitent prendre le contrôle par la dette par rapport aux actionnaires existants»

 

Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire

 

Comment évolue aujourd’hui la situation des entreprises en difficulté ?

La situation aujourd’hui n’est pas bonne, alors que la place était dans une dynamique positive au début de l’automne 2018, avec en particulier l’impact positif du Brexit pour accueillir de nouvelles entreprises sur le sol français, une attractivité accrue de la France avec les réformes sociales. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises dans le domaine du Retail sont en difficulté –  les mouvements des « gilets jaunes » ont évidemment aggravé les problèmes de certaines entités qui étaient déjà affaiblies. Il y a des alertes fortes sur le bâtiment qu’on n’avait pas vu pendant très longtemps. La filière équipementiers automobiles se pose la question de la reconversion du diesel. Certains professionnels évoquent encore la filière pétrole et parapétrolier. .

 

Vous soulignez qu’un virage important va être pris avec la loi Pacte, donnant plus de pouvoir aux créanciers

Plus exactement la loi Pacte habilite le gouvernement pour transposer la Directive Européenne sur les entreprises en difficulté, dans l’objectif d’homogénéiser les législations nationales sur ce sujet, notamment pour les procédures de sauvetage. Le grand changement va porter sur les droits des actionnaires qui aujourd’hui ne peuvnt se voir imposer une décision dans un plan. Dans des cas compliqués, comme Solocal ou CGG, il a fallu consentir des droits résiduels aux actionnaires d’origine pour pouvoir obtenir leur adhésion, alors même que la société était surendettée et ne pouvait de toutes façons survivre sans une conversion massive de dette. Bien souvent, dans les plans de restructuration, on se heurte au refus ou au silence des actionnaires minoritaires morcelés parce qu’ils ont, de toutes façons, tout perdu, et qu’on n’arrive même pas à rassembler le quorum – cela a été le cas pour CGG par exemple.

Ce droit protecteur des actionnaires a très peu d’équivalent dans les autres droits nationaux  et ils vont sans doute perdre du pouvoir par rapport aux créanciers avec l’alignement sur les autres pays européens.

 

Les créanciers vont par exemple pouvoir plus facilement proposer des solutions alternatives

Un aspect de cette nouvelle loi est la création de « classes de créanciers » par catégorie homogène qui peut aussi ouvrir plus d’options pour des plans de sauvegarde ou redressement et peut laisser la possibilité à des  actionnaires minoritaires de proposer des solutions agréées de reprises avec un tiers – un industriel par exemple – quand les solutions, jusqu’ici, passaient essentiellement par des plans de cessions d’activités. On va sortir de l’organisation actuelle assez rigide de décisions prises par des comités de créanciers pas forcément représentatifs dans lesquels on a les obligataires d’un côté, les opérations de crédit d’un autre et puis il y a les fournisseurs de troisième part avec l’obligation d’un vote positif de ces trois comités pour qu’un plan de restructuration soit adopté. On va constituer des « classes homogènes » et on n’aura plus l’obligation d’avoir toutes les classes qui votent pour le plan mais le tribunal pourra apprécier au vu de différents critères si le plan peut être imposé en considérant notamment  la classe la plus légitime (critère de la valeur) ou la classe pivot pour déterminer si un plan est acceptable ou pas acceptable. Cela va enlever à l’actionnaire son droit de veto absolu, et donner beaucoup d’importance aux propositions alternatives des créanciers.

 

Cela va toutefois certainement créer de nouveaux conflits, notamment pour la détermination de la valeur de la société

Bien entendu, plus il y aura de classes, plus il y aura d’experts, avec des écarts peut être significatifs. Cela peut donner lieu à des contentieux qui n’en finissent pas, et malheureusement les contentieux qui n’en finissent pas, ce n’est jamais bon pour les boites en difficulté.

 

L’incompréhension entre actionnaires et  créanciers s’explique par l’opposition entre une valeur de marché pour l’action et une valeur au nominal pour la dette indépendante de la valeur actuelle réelle de la dette.

Il n’y a pas de marché règlementé de la dette et le principe juridique est bien la valeur nominale du créancier qui fixe le montant que le débiteur doit rembourser. . Le plan qui sera proposé et les efforts demandés seront bien le reflet de la valeur réelle de l’entreprise mais les actionnaires admettront mal l’écart de traitement en considérant que la valeur déjà décotée de la dette justifierait des droits initiaux plus équilibrés.

Dans une entreprise en difficulté l’appréciation économique du plan tient compte de la en valeur réelle décotée. La situation est donc favorable au créancier entré récemment – mais il peut aussi rester des créanciers entrés historiquement à la valeur nominale.

 

Négocier avec un fond de dette dans le cadre d’un plan de restructuration de société cotée, peut devenir très  très normé dans le cas de dette high yield

Un fond de dette qui a investi dans des dettes high yield a privilégié un instrument très flexible et négociable. L’investisseur veut pouvoir garder toutes ses options d’achat, de ventes, de capacité à prendre le contrôle ou pas….Pour cela il ne veut pas être  détenteur de ce qu’on appellerait sur un marché actions une information privilégiée. En conséquence, les négociations sont ralenties car il faut prévoir des mécanismes de cleansing de l’information obligatoirement partagées pour expliquer la situation et parvenir à négocier un accord amiable adapté.

On prend souvent plusieurs semaines à négocier un NDA, pour entrer ensuite dans une négociation qui dure seulement quelques jours, et au terme de laquelle on s’est engagé à l’avance, quel quelle que soit l’issue, à rendre publiques au marché les informations échangées avec les créanciers. Or, quand on négocie dans une entreprise en difficultés, on va très loin dans la transparence et le niveau d’information détaillée sur l’entreprise fondée sur de nombreuses expertises, beaucoup plus loin que ce qu’on est prêt à rendre public sur le marché.

 

Des fonds plus activistes apparaissent dans certains dossiers, même si cela reste encore marginal dans les entreprises en difficulté

On parle beaucoup des fonds activistes sous l’angle de l’actionnariat. Dans l’entreprise en difficulté, il faut en parler sous l’angle de la dette. J’ai déjà rencontré des fonds qui étaient d’une nature nouvelle. Ce sont des acteurs qui sont assez pragmatiques dans leurs intentions, qui peuvent être des fonds plus agressifs dans le comportement, plus menaçants, brandissant facilement la menace judiciaire, et  peuvent créer un climat un peu anxiogène qui peuvent impacter les décisions qui sont prises et a minima le calendrier des opérations. C’est une situation complexe pour la recherche de solutions équilibrées.

 

 

 

 

 

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