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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Danone, Eiffage : deux sociétés qui recentrent l’AG sur les salariés.
Des tendances se dessinent : une participation en hausse de 5 points (quorum moyen 71% sur le CAC40), rendant plus sévère encore la contestation des actionnaires sur les sujets de rémunération (83% de votes pour en moyenne, vs. 88% en 2018 sur les mêmes sociétés). Les questions des actionnaires individuels, en séance, traduisent des attentes sociétales – le symbole de Notre-Dame perdure bien au-delà de la semaine du drame, les actionnaires de Danone, Axa et Europcar proposant spontanément – et généreusement – de transformer le dividende en don pour Notre-Dame.
Les sociétés, pour l’instant, n’ont que très peu adapté leur déroulé par rapport à 2018. Plusieurs ne font pas d’exposé sur l’engagement sociétal, alors qu’elles auraient beaucoup à dire – en témoignent leurs rapports RSE et leurs déclarations de performance extra-financière (« DPEF »), très détaillées. Est-ce parce qu’elles avaient traité le sujet en 2018 et avaient été déçues de l’accueil ? est-ce parce qu’elles considèrent que la RSE est un ensemble de valeurs qui infusent dans chaque dimension de l’entreprise, et qu’en faire un exposé distinct n’a pas de sens ? Le danger, dans ce cas, est d’être mal compris. Ce n’est pas un hasard si la démarche RSE représente aujourd’hui un tiers des questions des actionnaires sur ces premières deux semaines d’assemblées – trois fois plus qu’en 2018.
Et puis il y a deux « cas d’école » qui montrent qu’en changeant le déroulé, on peut emporter l’adhésion des actionnaires. Tout remettre à plat, l’effort en vaut la chandelle. Pour Danone, et pour Eiffage. Deux sociétés qui diffèrent par leur taille, leur histoire, leurs enjeux actionnariaux, leur problème à résoudre. Deux sociétés qui convergent sur un constat : elles ont osé tenir cette année des AG hors-normes, et elles ont réussi.
Le géant de l’agro-alimentaire Danone fêtait ses 100 ans, et la première année de son plan « 1 personne, 1 action, 1 voix », qui est bien plus qu’un plan d’actionnariat salarié. 1000 personnes étaient venues, dont 100 salariés. Emmanuel Faber a tenu un discours d’une demi-heure non pas tant sur Danone que sur les défis sociétaux de demain, bien au-delà du groupe. La déshumanisation de l’économie, l’homogénéisation de la société, l’alimentation. Les actionnaires, comme les salariés, ont été embarqués. Un discours et une façon d’être qui a sans doute plus aussi aux investisseurs, puisque sur chaque résolution, Danone a cette année enregistré des scores supérieurs à la moyenne de plus de 5 points , un record compte tenu de la structure du capital de Danone, très éclaté.
Le constructeur Eiffage, de son côté, rassemblait 150 personnes pour une AG dont l’enjeu était de convaincre les actionnaires sur plusieurs sujets de rémunération, après un faible score (68% pour le Say-on-Pay) enregistré en 2018. Des scores de ce niveau ou même plus bas, en 2017 et 2018, il y en a eu d’autres, et les sociétés ont en général pris des mesures correctrices. Mais sans le dire. Eiffage a osé être la première société française a faire, à l’anglo-saxonne, un exposé sur la façon dont le Conseil avait pris en compte les « remarques » des actionnaires, une forme d’auto-critique factuelle mais sans concession, et surtout assortie de propositions pour l’avenir. Le résultat a été un succès : 95% de votes pour. Un score essentiel dans un groupe où les salariés restent les premiers actionnaires du groupe.
Danone, Eiffage. Les seuls à avoir changé le ton et l’exposé de leur assemblée. Deux sociétés dont les dirigeants affichent une conviction commune : les salariés sont au centre du jeu.

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