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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Monter en épingle les votes des actionnaires du flottant : attention aux excès
 
Le vote des actionnaires du « flottant » devient aujourd’hui un instrument de pression des investisseurs sur les entreprises. Avec les erreurs que comporte toute initiative clivante.
 
Amundi a fait sensation, en octobre dernier, en annonçant que tous ses investissements allaient devenir, d’ici 3 ans « ESG compatibles ». Il n’est pas encore allé jusqu’au niveau d’exigence de Blackrock, qui a écrit à des centaines de sociétés cotées dans le monde que parmi les critères d’éligibilité « ESG », figurerait pour eux « la réaction de l’entreprise en cas de vote contestataire du flottant sur un sujet de rémunération ». Sous ce vocabulaire technique se joue une révolution : c’est la première fois qu’un investisseur expose ouvertement qu’il ne va pas investir dans des sociétés où il considère que son point de vue n’est pas écouté – même si elles sont performantes. Jusqu’ici, les investisseurs fonctionnaient souvent en silos séparés : les gérants pour l’investissement, les compliance officers pour le vote.
 
Que les investisseurs imposent ainsi leur point de vue en se focalisant sur la rémunération du dirigeant, ce n’est pas anodin. Ils veulent introduire une dimension très humaine dans le dispositif, en mettant sous pression une personne : le dirigeant – ou la dirigeante. C’est humain, mais pas très rationnel, ni très statistique. La contestation actionnariale, lorsqu’elle existe, porte surtout sur les sujets de dilution – augmentations de capital notamment. Mais les grands investisseurs mondiaux veulent tenir la bride plus serrée aux dirigeants. Le bon côté de la chose est que ces grands investisseurs veulent véritablement changer le monde, vraiment passer à une vue à la fois financière et extra-financière de l’entreprise. C’est pour cela qu’ils emploient les grands moyens. Le revers de cette action, c’est une montée en tension de la relation entre les dirigeants et le marché. Au risque de la défiance, et du court-termisme, deux états d’esprit toxiques pour l’entreprise.
 
Un autre critère a changé, simultanément : l’avis du « flottant » est devenu la référence, à l’exclusion de celui des actionnaires historiques. Pourquoi ? Aujourd’hui, de l’AMF aux « proxy », d’experts comme notre Invité le cabinet Kienbaum, aux investisseurs institutionnels eux-mêmes, il est devenu logique de considérer que le vote du flottant était le seul représentatif du marché, et qu’il fallait publier des scores de vote « retraités du vote des actionnaires de référence ».  Certes, le flottant fait le cours de bourse ; mais l’actionnaire de référence n’a-t-il pas un rôle dans le développement de l’entreprise ? En France où l’entrepreneuriat familial est très développé, l’actionnaire de référence est souvent la famille fondatrice, souvent toujours aux commandes opérationnelles. Ces actionnaires ont un rôle, les actionnaires du flottant ont un autre rôle ; pourquoi les opposer ? Chacune de ces deux familles d’actionnaires a son rôle à jouer, et il est sain qu’il y ait débat et que les votes ne se fassent pas toujours à 100%.
 
Une entreprise « ESG compatible », c’est une entreprise qui développe ses parties prenantes, en particulier ses actionnaires. Tous ses actionnaires ! Et pas uniquement pour se prononcer sur le bonus des dirigeants.
 
 
 
 
 

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