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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Airbus : pourquoi le vote de l’Etat-actionnaire ne s’est-il pas aligné sur les positions du Ministre ?
 
Tous ceux qui ont pris un jour leur bâton de pèlerin pour aller convaincre leurs actionnaires de voter sur un projet sensible le savent : au sein d’un même investisseur institutionnel, les points de vue peuvent différer, voire diverger. Il arrive par exemple qu’un gérant soutienne une société, et que le « compliance officer » vote contre un sujet sensible, pour des questions de forme. Le cas le plus fréquent est celui des critères de performance attachés aux « bonus » des dirigeants : les gérants sont d’accord sur la proposition parce qu’ils apprécient la société, le dirigeant, la performance économique et boursière ; les « compliance officers » votent contre parce que le schema n’est pas rédigé suivant les standards requis. Le fait d’avoir ces deux canaux séparés est, pour un investisseur institutionnel, un gage d’indépendance et de prudence. Le gérant incarne la position politique, le « compliance officer », celui qui vote, incarne la position technique, généralement plus prudente.
Dans l’autre sens, c’est plus rare. Et pourtant, c’est bien ce qui vient de se passer chez Airbus. M. Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, a pris position contre le versement de la retraite de Tom Enders, et même proposé de légiférer en la matière. L’Etat-actionnaire, ensuite, a pris le contrepied, et soutenu de facto ce versement, en votant pour le quitus aux administrateurs – les experts diront que le quitus n’a plus de valeur juridique, mais voter pour, dans le contexte d’Airbus, était un acte lourd. Plus encore, l’Etat-actionnaire a voté pour le versement d’une prime exceptionnelle à ces administrateurs. Et le 10 Avril à Amsterdam, l’assemblée, satisfaite des résultats d’Airbus, a longuement applaudi Tom Enders.
Bien sûr, il n’y avait peut-être pas beaucoup de moyens juridiques de ne pas respecter ce contrat signé il y a plusieurs années. Mais il y avait l’argument de la persuasion et de la prise en compte de l’opinion publique, celui-là même qu’avait utilisée Bruno Le Maire en 2018 à propos de Carrefour.
Il reste, ce printemps 2019, de nombreuses entreprises où l’Etat-actionnaire doit se positionner : Renault, Orange, Thalès, … Formons le vœu que les prises de position politiques et techniques soient alignées.
B.H

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