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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

AG 2023 : Rémunération des dirigeants sous pression

Les assemblées générales d’actionnaires 2023 ont déjà commencé, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis. L’enjeu principal cette année, partout dans le monde, est la rémunération des dirigeants. Les sociétés vont devoir, plus que d’habitude, expliquer les augmentations de fixe et les arguments pour verser des bonus, dans un paysage contrasté. Les finances sont bonnes malgré les vents contraires, la bourse est en forme avec un CAC 40 qui a passé la barre des 7000 points, mais l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat et les annonces de licenciements par dizaines de milliers aux Etats-Unis crée en Europe un climat d’inquiétude.

La première décision à prendre par les entreprises porte sur l’augmentation de la part fixe de la rémunération des « patrons », pour faire face au choc de l’inflation. Les entreprises ont augmenté les salaires de 4,9% sur les neuf premiers mois de 2022, selon l’URSSAF. Vont-elles faire de même avec la rémunération des dirigeants ? Une étude Scalens / Avanty avocats réalisée en novembre 2022 auprès des 250 premières entreprises françaises montre que 44% d’entre elles l’envisagent. Pour le CAC 40, cela correspond à peu près à celles qui n’avaient pas procédé à une augmentation l’année dernière. Sauf que cette année tombe mal : les investisseurs sont plus exigeants. Ce ne sont pas les valeurs absolues ni même l’ampleur des augmentations qui les effraient, en 2022, les augmentations à deux chiffres de Florent Menegaux à Michelin et Jean-Laurent Bonnaffé à BNP Paribas ont été votées avec plus de 90% d’approbation. Ce sont plutôt les arguments avancés. Pour justifier une augmentation de fixe, les investisseurs financiers demandent un changement fort, l’élargissement du périmètre suite à une opération stratégique par exemple. Simultanément, les autres parties prenantes posent la question de l’acceptabilité sociale. L’échelle de salaires s’étire en France ; le ratio d’équité (différence entre le salaire du dirigeant et le salaire médian) est de 80 dans le CAC 40, soit 50% supérieur à son niveau de 2019. Mais il reste très inférieur au niveau atteint au Royaume-Uni (130) et aux Etats-Unis (300). Certes, ces parties prenantes ne votent pas, mais elles impactent de plus en plus une autre partie du bonus des dirigeants : les critères de réputation, d’ancrage local, d’image de marque employeur font désormais partie des critères de performance.

Le deuxième sujet délicat va donc être l’attribution des bonus. Ils dépendent de critères financiers bien rodés, et de critères extrafinanciers plus récents, allant des émissions carbone à la gestion du capital humain. Les investisseurs demandent que ces critères de performance extrafinancière récompensent vraiment une performance, et non le travail normal du dirigeant, en matière de management ou de stratégie Climat notamment. Cette exigence fait suite au constat d’un taux d’atteinte moyen de 116% en 2021, selon l’IFA. L’agence de recommandation de vote ISS va plus loin en proposant, pour l’avenir, d’instaurer des « critères négatifs » en cas de non-atteinte de ces performances de base, en matière de stratégie Climat par exemple.

Autre point sensible, les « rémunérations exceptionnelles » ne seront plus acceptées; Stellantis, Danone, Teleperformance, M6 notamment y avaient eu recours, pour gérer l’imprévu. Les investisseurs, surpris, les ont fortement contestées. Cette année, l’Institut Français des Administrateurs (IFA) recommande également fermement de ne pas y avoir recours. ISS est la seule agence de recommandation de vote à ne pas les exclure par principe. Les sociétés qui les proposeront devront donc redoubler de pédagogie.

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