L’édito de Bénédicte Hautefort

Les Raisons d’Etre n’ont pas fait de bruit lors des assemblées générales cette année, et pourtant elles continuent à s’imposer dans les statuts, et parmi elles les plus radicales, les « Entreprises à Mission ». Elles sont structurantes pour le quotidien de l’entreprise, car elles le centre sur l’humain. A une époque où recruter est devenu difficile, ces entreprises veulent ajouter une corde de plus à leur arc.

Korian/Clariane est emblématique. Le 15 juin est né Clariane, nouveau nom du champion européen des maisons de retraite, précédemmment Korian. Simultanément, les actionnaires ont plébiscité l’adoption d’une Raison d’Etre et du statut d’entreprise à mission : « Prendre soin de l’humanité de chacun dans les moments de fragilité ».

Depuis que la loi Pacte a rendu possible l’inscription des « Raisons d’Etre » dans les statuts, 45 entreprises cotées à Paris  ont franchi le pas. Un petit nombre a sauté le pas dès 2019, comme Atos, puis une quinzaine en 2020, et depuis, une dizaine régulièrement chaque année. Cette année par exemple Compagnie des Alpes, Holcim et à présent Korian. La Raison d’Etre continue à rapprocher les actionnaires des autres « parties prenantes ». Parmi ces 45 entreprises dotées d’une Raison d’Etre, peu nombreuses sont celles qui, comme Korian, sont « entreprises à mission ». Danone, Ramsay Santé, Vranken Pommery en font partie : il n’y a pas de logique de secteur, c’est un choix de l’entreprise.

L’inscription dans les statuts d’une « Raison d’Etre » et plus encore l’adoption du statut d’entreprise à mission est, pour les entreprises, une manière de renforcer leur capacité à attirer les meilleurs talents, dans une période où il est difficile de recruter, et à fédérer ses « parties prenantes », en jouant sur l’humain. Les « parties prenantes » sont, suivant les cas, les fournisseurs, les clients, les investisseurs, les salariés, les anciens salariés, les collectivités locales. Clariane , comme les entreprises qui l’ont précédée, a expliqué que son changement de nom et le choix du statut d’entreprise à mission était, pour l’entreprise, une manière de rebondir après la crise du Covid et le scandale des Ehpad révélé par le livre Les Fossoyeurs, en 2022. Le livre attaquait Orpea, le principal concurrent, mais a jeté une ombre sur l’ensemble du secteur.

L’entreprise a présenté en assemblée générale les dix initiatives qui seront pilotées par son « Comité de Mission », constitué comme il se doit de personnalités externes. Les thématiques sont la création d’une université d’entreprise, permettant à au moins 6000 collaborateurs de s’engager dans une formation diplômante, la création d’un fonds de solidarité pour les salariés en difficulté, doté de 700 000 euros pour commencer, une meilleure prise en compte de la satisfaction des résidents.

Les actionnaires, sollicités pour inscrire ces Raisons d’Etre dans les statuts, votent toujours à la quasi-unanimité : ils donnent leur chance aux entreprises concernées. En revanche, ils sont attentifs et exigeants. Ils exigent des indicateurs mesurables, et le lien entre ces initiatives et la création de valeur. L’entreprise à mission doit rester rentable. C’est bien pour cela que Clariane a accompagné sa présentation d’un fort accent sur son excellente santé financière.

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