L’édito de Bénédicte Hautefort

Le Crédit Suisse a tenu le 4 avril sa dernière assemblée générale annuelle, avec plus de 1700 actionnaires individuels, dans un stade de hockey sur glace à la périphérie de Zurich. Les actionnaires ont exprimé leur colère à la fois sur la gouvernance, la stratégie climatique et l’accord avec UBS, mais ont finalement voté presque tout, avec de faibles majorités. Ce n’est que sur le Say-on-Pay que les dissidents ont réussi à rassembler une majorité contre.
Le président Axel Lehmann a commencé la réunion en s’excusant de ne pas avoir réussi à sauver la deuxième banque suisse, qui, après 167 ans d’histoire, va être rachetée pour 3 milliards de francs suisses par sa rivale UBS. La banque a dû être sauvée après avoir enregistré une perte de 7,3 milliards de francs suisses en 2022, les clients ayant perdu confiance et retiré 123 milliards de francs suisses d’actifs.
Les excuses n’ont pas suffi à calmer l’ire des actionnaires qui, pendant cinq heures, ont pris la parole les uns après les autres pour accuser les dirigeants de “trahison”. Ethos, fondation représentant les intérêts des caisses de pension suisses et d’autres actionnaires concernés, a dénoncé “la cupidité et l’incompétence des dirigeants”, ainsi que les salaires qui ont atteint “des niveaux inimaginables”. Les actionnaires ont perdu d’énormes sommes d’argent et des milliers d’emplois sont menacés.
Comme il s’agissait de la première réunion en personne depuis 2019, des manifestants se sont également rassemblés à l’extérieur du site, certains érigeant un bateau chaviré pour signifier la fin de la banque et protester contre son financement des combustibles fossiles.
Les votes ont ensuite eu lieu. Comme souvent, le score de Say-on-Pay est l’expression de la colère des actionnaires. La proposition d’accorder aux dirigeants, y compris au PDG Ulrich Körner, jusqu’à 34 millions de francs suisses de salaire de base n’a pas recueilli les 50 % de votes nécessaires – seuls 48,23 % des actionnaires l’ont approuvée. Le conseil d’administration devra maintenant proposer un nouveau programme acceptable pour les actionnaires.
Autre signe de tension, certains points symboliques ont été retirés de l’ordre du jour. Il n’a pas été demandé aux actionnaires de décharger le conseil d’administration de ses responsabilités légales au cours des 12 derniers mois. Un autre point retiré de l’ordre du jour était la proposition d’accorder aux dirigeants une prime de restructuration, le plan de redressement n’ayant jamais été mené à bien. Par ailleurs, 5 des 12 administrateurs ont choisi de ne pas se représenter, ne laissant que 7 candidats au conseil d’administration (7 est le nombre minimum pour permettre au conseil de travailler pendant les deux ou trois prochains mois de transition jusqu’à la fusion avec UBS).
En fin de compte, la réélection du conseil d’administration s’est déroulée avec des scores très serrés. Même le fonds souverain norvégien, l’un des plus grands investisseurs au monde, a voté contre la réélection de Lehmann et des autres membres du conseil, en signe de protestation. Lehmann a finalement été réélu avec une majorité de 55,67 %. Les actionnaires ont également accepté la stratégie climatique du Credit Suisse telle qu’elle est décrite dans le chapitre Stratégie du rapport 2022 du groupe de travail sur les informations financières liées au climat lors d’un vote consultatif, avec 53% des votes des actionnaires représentés.
Le refus du Say-on-Pay du Crédit Suisse n’est cependant que consultatif. Tout comme le vote négatif des actionnaires de Stellantis l’année dernière sur la rémunération de Carlos Tavarez. Ce dernier est à nouveau soumis aux actionnaires cette semaine. La pression monte.

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