L’Autorité Bancaire Européenne à Paris
Le 20 novembre dernier, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) a annoncé sa relocalisation à Paris à partir de 2019. Comment la France a t-elle gagné cette compétition qui a vu s’affronter 8 villes candidates ? Quelles autres relocalisations pourraient suivre, renforçant ainsi le poids de Paris ?
1. Paris et Dublin départagées par … tirage au sort
En 2017, l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) dispose d’un budget de 38,8 millions d’euros et emploie près de 200 juristes et spécialistes des questions bancaires venus de toute l’Europe. Christophe Jacomin, avocat associé chez LPA-CGR, notre Expert de la semaine, a rappelé ses grands principes directeurs et fonctions (voir p.8)
Au vu de l’importance de cette institution, plusieurs villes européennes candidataient pour remplacer Londres comme « ville hôte ». Alors qu’elle est installée à Londres depuis sa création en 2011, l’Autorité Bancaire Européenne était en effet à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil suite au Brexit.
Au final, 8 villes européennes avaient déposé des dossiers de candidature pour devenir la nouvelle « maison » de l’Autorité Bancaire Européenne. Bruxelles, Dublin, Francfort, Luxembourg, Prague, Vienne, Varsovie et Paris menaient chacune une campagne pour voir l’ABE s’installer dans leur ville
La décision finale revenait aux 27 ministres européens des affaires étrangères réunis à Bruxelles. Si à l’issue du premier tour de vote, Paris était en tête, elle a ensuite été dépassée par Dublin au second tour.
Une fois en finale, ces deux villes ont chacune obtenu 13 voix (le ministre britannique n’avait pas le droit de vote) ce qui ne permettait pas de déclarer un vainqueur.
Pour résoudre ce problème, un tirage au sort a eu lieu et c’est Paris qui est sortie grande gagnante de ce processus.
Dès l’annonce de la victoire de Paris, le Président Emmanuel Macron s’est réjoui de l’issue du vote et attribue cette victoire à une « reconnaissance de l’attractivité de la France ». Le Conseil de l’Autorité Bancaire Européenne s’est également prononcé par communiqué sur le choix de Paris : selon eux, la transition vers Paris se fera « sans accroc » et l’annonce de ce choix permet enfin de mettre un terme à une période d’incertitude pour tous les collaborateurs.
2. Le point fort qui a fait gagner Paris : la qualité de vie pour les collaborateurs de l’ABE et leurs familles
Que ce soit sur le fond ou sur la forme, les deux offres étaient radicalement différentes.
Alors que Dublin présentait un document de 66 pages dont 2 consacrées à des discours de repré- sentants politiques, la France rendait une copie un peu moins studieuse de 41 pages dont 13 de discours de divers élus nationaux ou locaux comme MM. Macron, Le Maire, Le Drian, Pécresse, Hildago, Devedjian et Mestrallet.
Sur le fond, la proposition irlandaise était beaucoup plus structurée et beaucoup plus dense que celle de Paris alors que sur la forme, celle de Paris était plus moderne et plus impactante. Outre le nombre de pages, le projet présenté par Dublin était complet et devançait les attentes de l’EBA : en plus de rappeler tous les critères demandés par l’autorité européenne et d’y répondre, Dublin a également présenté 15 sites possibles d’installation, a dressé la liste des hôtels voisins pour accueillir les 9000 personnes qui sont attendus à des conférences de l’EBA tout au long de l’année et a proposé de mettre à disposition de l’EBA des lieux d’exception pour organiser ces conférences tels que le château de Dublin.
La délégation française a quant à elle beaucoup misé sur la facilité de lecture du projet en présentant un dossier beaucoup moins fourni en informations brutes mais plus agréable à parcourir.
Dans la proposition gagnante, l’accent est mis sur la qualité de vie parisienne, sur le style français ainsi que sur l’appui qui sera apporté pour les conjoints et les enfants des collaborateurs étrangers. Les arguments irlandais étaient principalement centrés sur la facilité de transition de Londres vers Dublin : langue commune, même fuseau horaire, proximité géographique.
Au niveau de l’accompagnement financier, la France propose 1,5 millions d’euros à l’ABE alors que Dublin proposait 13,5 millions d’euros, ce qui selon eux, aurait pu couvrir 50% du loyer sur dix ans ainsi qu’un 1 million supplémentaire pour aider les familles des collaborateurs à s’installer.
La France proposait deux emplacements de choix pour recevoir les nouveaux bureaux de l’ABE : le quartier de la Bourse, pour être géographiquement proche de l’AMF et du centre des affaires historiques ou la Défense, plus excentré mais également plus moderne. C’est apparemment la première option qui va être retenue : certaines rumeurs qui circulent sur Twitter mentionnent l’adresse actuelle du journal Les Échos et ancien siège du Crédit Lyonnais, rue du 4 septembre.
3. Plusieurs banques étrangères actuellement basées à Londres pourraient aussi venir s’installer à Paris
Sur les 9 plus grands établissements bancaires européens, 4 sont français. L’arrivée en 2019 de l’EBA à Paris octroie à la capitale française un regain d’influence en Europe. Elle s’impose désormais comme une concurrente sérieuse face à Francfort, ville hôte de la Banque Centrale Européenne et Bruxelles qui concentre les grandes instances européennes.
Cette décision pourrait avoir un impact sur la relocalisation des banques étrangères actuellement installées à Londres. Suite au « choc Brexit », la France a immédiatement fait part de son intention d’accueillir les sociétés basées en Angleterre qui voudraient rester dans l’Union Européenne. Il était notamment question d’avantages fiscaux pour les entreprises qui prendraient la décision de venir s’installer en France. En mars 2017, les medias faisaient état de l’envie d’une trentaine d’institutions financières basées à Londres qui souhaitaient traverser la Manche pour venir s’installer en région parisienne.
Cela semble être déjà bien parti puisque le PDG de Goldman Sachs a récemment déclaré que la banque américaine aurait désormais deux points d’ancrage sur le « vieux continent » : Paris et Francfort.