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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

3 débats simultanés sur la révocation d’un dirigeant : du jamais-vu à Paris

Ce mois de septembre est dense pour la gouvernance de la Place de Paris : appel de la SFAF pour une révision du droit des assemblées, qui doit permettre d’exercer, même à huis clos ou en format dit « hybride », le vote en direct et la révocation en séance d’administrateurs ; audience au Tribunal de Commerce pour Vivendi et Amber Capital, qui ont demandé la convocation d’une assemblée Lagardère, contre l’avis du management, dans l’objectif explicite de révoquer Arnaud Lagardère ; et enfin, rebondissement dans la bataille pour le contrôle de Suez, avec la création d’une Fondation qui décidera de l’avenir de l’activité Eau, soit près de la moitié du groupe, et dont le pouvoir est étroitement lié à celui du dirigeant de Suez.

La possibilité de révoquer le dirigeant est devenu le sujet du moment. A l’émotion du printemps et à la communion autour de l’entreprise, de sa Raison d’Etre et du leader qui l’incarne, a brutalement succédé un climat tendu, où les chefs d’entreprises doivent rendre des comptes, comme avant la crise, plus qu’avant la crise même. Avant, c’était sur leur rémunération que portait la pression : sont-ils trop payés, méritent-ils leur bonus, les critères de performance sont-ils bien choisis, bien documentés ? Ce débat est terminé, probablement parce que les dirigeants ont proactivement réduit leur rémunération, dès le début de la crise en mars. L’instrument de pression qui reste aux actionnaires mécontents de leur dirigeant, c’est désormais seulement l’arme ultime : la révocation.

Il y a plusieurs raisons pour que notre Place de Paris en arrive là.

Une explication est technique : le droit des assemblées est en phase de transition.  Le cadre législatif des assemblées de ce printemps ne donnait aucune possibilité à des contradicteurs d’agir sur le plan juridique. Avec les décrets du 26 mars, le législateur avait bien anticipé les situations classiques mais pas les situations exceptionnelles, comme le dépôt de résolutions en séance, en particulier les révocations d’administrateurs. Soit le législateur a sciemment voulu protéger les entreprises d’éventuels activistes – dans ce cas, il a plutôt attisé leur fronde en les bridant – soit c’est un oubli, qui va être corrigé – c’est l’hypothèse que choisit la SFAF dans son plaidoyer pour une révision du droit des assemblées.

Une explication plus préoccupante serait un dysfonctionnement de certains Conseils. Pourquoi n’arrivent-ils plus à « remercier » un dirigeant sans avoir à convoquer les actionnaires ? Est-ce qu’ils n’ont pas les bonnes personnes autour de la table ? La Place de Paris a pourtant fait des efforts immenses de réflexions sur la composition des Conseils, la formalisation de leurs processus, les instances de recours de place avant d’arriver au contentieux juridique.

Les « AG à huis clos » ont eu beaucoup de vertu ; l’une d’elles, et non des moindres, a été de faire expliciter à une association aussi feutrée que la SFAF que « le droit de révoquer, c’est un droit essentiel ». Dans le monde d’avant où les demandes de révocation n’étaient pas si fréquentes, on l’avait peut-être oublié.

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