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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Pour ou contre le maintien des « AG à huis clos » ?

Les assemblées générales tenues hors présence des actionnaires, dites « AG à huis clos », sont la grande innovation de 2020. Le législateur les a rendues possibles avec les ordonnances du 26 mars dernier ; ce devait être un dispositif provisoire, terminé le 30 novembre. Mais il est aujourd’hui question de prolonger ces mesures temporaires, pour protéger chacun dans un contexte de crise sanitaire qui perdure. Au-delà des raisons sanitaires, force est de constater que les « AG à huis clos » ont du succès : même aujourd’hui, où elles pourraient, pour la plupart, tenir un événement physique tout en restant en-deçà des seuils maximum de rassemblement, la grande majorité (73% du CAC AllTradable) choisissent le huis clos. Mais elles ne se font pas que des amis : les « AG virtuelles » divisent.

On aurait pu craindre un recul du dialogue actionnarial, des problèmes de quorum, des incidents liés au manque de transparence inhérent à un huis clos. Rien de cela ne s’est passé, c’est même l’inverse.

Les niveaux de quorum n’ont jamais été aussi hauts : +2 points pour le CAC40, à 71%, +4 points pour le SBF120, à 79%. Les actionnaires se sont mobilisés et ont voté massivement ; les entreprises, aussi, ont donné aux actionnaires individuels les moyens de voter facilement, avec le déploiement accéléré de Votaccess.

Les entreprises ont joué la transparence. Plus d’une sur deux (53%) retransmet cette année son assemblée en direct, une modalité jusqu’ici réservée aux grandes du CAC40. Quelques-unes, grandes comme Total, Air Liquide, EDF ou Vallourec, ou petites comme Nanobiotix et Itesoft, ont permis les questions en direct, via des fonctions « chat ». Les autres ont encouragé les actionnaires à envoyer leurs questions par mail, ouvrant des lignes dédiées. Pourtant, ces efforts ne sont pas encore assez visibles : des voix s ‘élèvent aujourd’hui pour dénoncer « un manque de transparence », « un manque d’interactivité ».

Les actionnaires ont répondu présent : plus de 3000 connectés en direct pour une AG du CAC40, environ 600 pour une AG du SBF120, et 40 pour les plus petites capitalisations, qui habituellement ne réunissent physiquement que 2 ou 3 actionnaires. C’est pour cela que les sociétés, aujourd’hui, le huis clos. Mais des personnalités éminentes, telles notre Invité de cette semaine Franck Bernauer, Head of Legal chez KPMG, estiment que «  les assemblées purement virtuelles n’ont plus d’assemblée que le nom ».

Les séances de questions-réponses sont pourtant plus fournies que dans une assemblée physique. En moyenne jusqu’ici, 7 questions par assemblée, à comparer à 5 en 2019, en « présentiel ». La séance de Q&A dure en moyenne 10 minutes. Les questions portent sur la stratégie et les perspectives de l’entreprise.

Et tout cela, avec une grande efficacité : les assemblées prennent une heure de moins, quelle que soit leur taille. Une assemblée dure cette année en moyenne 1h 20 pur le CAC40, 1h pour le SBF120, 40 minutes pour les plus petites. Chaque exposé est plus court, surtout celui sur les faits marquants de l’année écoulée, parfois même rassemblés en une courte video de quelques minutes.

Les assemblées à huis clos coûtent moins cher aussi : pas de lieu à louer, pas de mise en scène, pas de cadeau, pas de cocktail. Les actionnaires approuvent cette discipline ; les sociétés leur donnent rendez-vous, plus tard, peut-être cette fin d’année, peut-être début 2021, pour des réunions dans d’autres formats.

Il reste la question du vote à distance. En France, les banques centralisatrices estiment que leurs systèmes IT ne sont pas encore mûrs pour gérer le vote en direct en assemblée, à distance; pourtant, elles y parviennent aux Etats-Unis, avec des tailles de capitalisations bien plus élevées, et des nombres de transactions très supérieurs.

Jusqu’à fin novembre, les sociétés ont la possibilité de tenir leurs assemblées à huis clos, et c’est le choix qu’elles font. C’est sur les modalités des assemblées de décembre que le législateur est attendu. L’année dernière, en décembre, se sont tenues 14 assemblées de sociétés cotées – des clôtures d’exercices décalés, et des assemblées exceptionnelles. Les ordres du jour des sociétés concernées seront publiés d’ici mi-octobre. Nous avons donc encore à peine un mois à attendre avant de savoir si les « AG à huis clos » perdureront, ou pas.

Prenez soin de vous,

B.H.

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