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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Question tabou : est-ce que les investisseurs veulent vraiment des gouvernances aux standards classiques ?
Ce début de printemps a été tout en contrastes, avec d’un côté un regain d’activisme, de polémique et de bruit médiatique sur le thème de gouvernance réputées déficientes, et d’un autre, un support massif des actionnaires, quand il s’est agi de trancher par le vote.
Lagardère en a été cette semaine un exemple, et les semaines précédentes Vivendi, Vinci ou Scor, ou encore Casino dont l’assemblée cette année est un succès éclatant. Les investisseurs exigent-ils vraiment la dissociation des fonctions Président et DG ? il semblerait que non, puisque les « PDG » sont reconduits haut-la-main. Sont-ils vraiment hostiles aux commandites ? Non plus, au vu des scores enregistrés par Lagardère. Sanctionnent-ils vraiment les Présidents de Comités de Rémunération, en cas de non-prise en compte de leurs critiques ? Non plus, ces Présidents sont – pour l’instant – largement ré-élus. Et les exemples se multiplient. Là où les « compliance officers » avaient prédit des débâcles en termes de scores de vote, les investisseurs ont finalement, très pragmatiquement, voté pour les sociétés qui fonctionnent bien. Point commun entre toutes ces sociétés : elles sont dirigées par des hommes et des femmes engagés, combatifs, et souvent sur la route pour aller rencontrer leurs investisseurs. Ils les connaissent bien.
Bien évidemment, un tel discours est tabou. Les oracles de la gouvernance, pour expliquer ces écarts avec la réalité, opposent actionnaires du flottant – réputés adeptes de la « bonne gouvernance » et actionnaires de référence – souvent stigmatisés et coupables de mille maux, le « contrôle rampant » par exemple. Une telle opposition est artificielle. D’abord parce que les actionnaires dits « du flottant », quand ils sont mécontents, « votent avec leurs pieds » : les cours de bourse ne seraient pas aussi hauts si la gouvernance était si critiquable à leurs yeux. Ensuite parce que ces mêmes actionnaires dits « du flottant » sont là parce que précisément ils s’en remettent aux actionnaires de référence pour gérer la boutique. C’est là toute la subtilité de notre gouvernance à la française, dans un environnement boursier où les familles fondatrices sont encore nombreuses – et c’est toujours vrai pour les sociétés introduites en bourse ces derniers mois.
Alors, quel enseignement ? Renverser la table, remettre en cause les règles, le Code Afep-MEDEF, le Code MiddleNext ? Ce serait une mauvaise idée. D’ailleurs ces Codes ne disent pas, par exemple, que la fonction « PDG » doit être dissociée, ou que les commandites n’ont plus lieu d’être. Ce ne sont pas ces Codes qui nourrissent les activistes. Ces Codes sont élaborés par les entreprises, remis à jour en permanence, ils correspondent à notre réalité, le vécu de la gouvernance, une vision pragmatique.
Le vrai enseignement de ce début de saison, c’est que les investisseurs se font leur propre opinion sur chaque société où ils sont présents ; ils s’affranchissent des proxy, des media, des campagnes polémiques, pour récompenser ce qui leur importe : une gouvernance qui fonctionne, avec une équipe de femmes et d’hommes engagés et convaincants. Si les résultats sont là, peu leur importe que la forme ne soit pas forcément classique, que ce soit une commandite plutôt qu’une SA, ou que le Collège des Indépendants soit actif. L’esprit prime sur la lettre, cette année plus que jamais.

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