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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Rémunérations du CAC40 : écoutons les actionnaires, ce sont les meilleurs contre-pouvoirs.
Les dirigeants du CAC 40 sont-ils trop payés ?
La loi PACTE, adoptée samedi à l’Assemblée, impose la tran
sparence sur les échelles de salaire dans les grands groupes ; les « Gilets jaunes » veulent encadrer les rémunérations des « patrons » ; le Ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire, veut leur imposer d’être résidents français. Les dirigeants arguent qu’ils sont aux mêmes niveaux que leurs pairs internationaux. Oui, sauf que leurs pairs sont beaucoup plus incités à une vision à long terme, et ne pilotent pas des entreprises confrontées au climat social français explosif. Dans moins d’un mois, les actionnaires voteront sur ces rémunérations, lors des assemblées générales. Écoutons-les et donnons-leur encore plus de poids : loin d’être les déclencheurs des plus hautes rémunérations, ils en sont les contre-pouvoirs.
Les dirigeants ont depuis longtemps anticipé la loi PACTE et communiqué sur l’échelle des salaires dans leur entreprise – M. Antoine Frérot, en 2012, a été l’un des premiers. Parce qu’il était à l’écoute de ses investisseurs anglo-saxons. Depuis 2010, ceux-ci ont pris l’habitude de connaître l’échelle des salaires des entreprises, parce que la loi Dodd Franck a rendu cette information obligatoire pour les sociétés cotées à Wall Street. Jusqu’à ce que les associations patronales américaines obtiennent de Donald Trump, en 2017, l’abrogation de la loi.
Trop payés, les dirigeants ? Pas assez conscients du « risque de réputation », plutôt. Les investisseurs internationaux, eux, ont des analystes pour mesurer de façon indépendante le climat social dans chaque pays. De fait, en 2018, ils ont alerté sur les rémunérations les plus élevées. Les Comités de Rémunération aussi ont tout ce qu’il faut pour évaluer l’acceptabilité sociale des rémunérations, notamment parce qu’ils intègrent des administrateurs salariés (merci M. Rebsamen). Mais les dirigeants du CAC40 renâclent à voir se parler ces deux contre-pouvoirs. Ils se privent ainsi d’un moyen de reconnaître et de compenser leur propre manque de capteurs. Lorsque, comme deux tiers d’entre eux en 2018, c’est à Londres, Genève, Bruxelles ou Hong Kong qu’on accompagne ses enfants à l’école le matin, peut-on vraiment prendre la température de la rue en France ?
Imposer aux dirigeants du CAC40 d’être résidents français peut effectivement aider, Monsieur le Ministre. Et si cette proposition s’avère juridiquement impossible, il faut au moins que les Comités de Rémunération rencontrent, seuls, les investisseurs, avant de se prononcer sur la rémunération de leur dirigeant. Les « capteurs de climat social » doivent unir leurs forces.
Trop payés, les dirigeants ? à trop court terme, surtout. Sous la pression politique, les entreprises ont enterré successivement stock-options, parachutes et retraites-chapeaux, et augmenté à chaque fois les fixes … En global oui, les patrons du CAC 40 peuvent se comparer à leurs pairs internationaux, sauf que ceux-ci ont beaucoup plus d’incitation à long terme, et donc la vision vertueuse qui va avec. Et qui cherche à élargir cet horizon court-termiste?
Les investisseurs, bien sûr, qui exigent par exemple que les performances soient mesurées sur un minimum de trois ans.
Alors ce printemps, écoutons les actionnaires : dès qu’il s’agit de rémunération des dirigeants, ce sont eux les meilleurs capteurs.
B.H

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