Sociétés Européennes : c’est la loi PACTE qui a fait sauter le dernier verrou
Le 18 mars 2019 va faire date : c’est le jour où Laurent Burelle, le « patron » de l’Afep, la toute-puissante association des dirigeants des plus grandes sociétés cotées en France, choisit de transformer sa société, Plastic Omnium, en société européenne. Un acte fort d’ouverture internationale, surtout en pleine campagne des élections européennes. Surtout que cette annonce suite celle de Vivendi, et de la Financière de l’Odet, holding de la famille Bolloré.
Les Sociétés Européennes, il y en avait jusqu’à cette année seulement 23 en France, à peine 10% du total en Europe. Atos bien sûr avait été l’une des premières, c’est logique puisque c’est Thierry Breton ministre qui avait transposé en France, en 2005, ce statut créé en 2001 au niveau européen, historiquement pour faciliter les rapprochements transfrontaliers. Getlink (qui s’appelait alors Eurotunnel) l’avait précédé, et bien sûr Airbus, symbole de la société européenne. Schneider Electric avait aussi opté pour ce statut, logique aussi avec ses racines franco-belges. Mais ces pionnières de l’Europe des entreprises étaient restées peu nombreuses. La grande majorité des Sociétés Européennes étaient en Allemagne.
Les sociétés qui ont franchi le pas, petites ou grandes, le disent toutes : être une Société Européenne, c’est un booster de culture d’entreprise, cela mobilise l’interne, et cela donne une image autrement solide hors d’Europe, surtout en Asie.
Qu’est-ce qui a tant freiné les autres ? La crainte d’être assimilées à des « évadés fiscaux » ?
Au départ, les sociétés européennes ont eu mauvaise presse. L’opinion publique a accusé ces pionnières d’adopter ce statut pour pouvoir, plus facilement, déménager leur siège hors de France – oui effectivement, une Société Européenne peut bouger sans demander l’avis de ses actionnaires tant qu’elle reste en Europe, par exemple pour aller dans des pays à fiscalité favorable, comme le Luxembourg. Oui c’est vrai, parmi les premières sociétés à adopter le statut, Acanthe, Akka Technologies Eurofins ont tout de suite après déménagé leur siège. Sur 34 Sociétés Européennes créées en 13 ans, il en reste 23 aujourd’hui. Mais il en reste quand même 23, et ce sont les plus grandes.
Le frein principal, cela a plutôt été le volet social. Et c’est en cela que le choix du « patron » de l’Afep est emblématique d’un changement d’époque. Le volet social d’une société européenne, c’est à la fois une souplesse en matière de négociations salariales et une contrainte de gouvernance. Une souplesse, parce que toutes les règles se définissent sur mesure au niveau de la société, entre salariés et dirigeants ; une contrainte, parce que les salariés sont obligatoirement intégrés à la gouvernance. Et on sait combien les sociétés cotées françaises ont, pour la plupart d’entre elles, ralenti la progression des administrateurs salariés : il a fallu trois lois successives.
Aujourd’hui, tout change. Avec la loi PACTE, les salariés s’imposent de toutes façons dans tous les Conseils d’Administration, le dernier verrou saute. Ce n’est pas un hasard si, lors de la même assemblée, Laurent Burelle consent à faire entrer les salariés au Conseil (la loi l’y oblige, certes) et opte pour le statut de SE. Il n’y plus aucun frein pour profiter de tous les avantages des Sociétés Européennes … alors, Vive l’Europe, et longue vie à toutes ces Sociétés Européennes !
B.H