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L’édito de Bénédicte Hautefort

« Fossil banks no thank you » : l’activisme Climat en 2023

La saison 2023 des assemblées générales a commencé et un secteur est déjà en position délicate : les banques. Elles rassemblent contre elles les ONG Climat et les activistes sociaux. Jusqu’ici, elles avaient pour elles leurs actionnaires, car le secteur financier était celui des dividendes record. Mais aujourd’hui ce soutien tombe. Les cours des banques se sont effondrés avec la faillite de SVB et les tribulations de Crédit Suisse. Les soixante premières banques du monde ont perdu en moyenne 18% de leur capitalisation depuis un mois, quand le CAC 40 ou le Dow Jones par exemple n’ont perdu « que » 4%. Elles abordent leurs assemblées générales dans un record d’impopularité. Une fois de plus, les activistes Climat jouent les poissons-pilotes pour tous les autres mécontents. En France, l’AMF appelle au calme et au dialogue.

Danske Bank a essuyé les premières attaques le 17 mars. Son assemblée fait comme chaque année office de laboratoire pour les autres banques. La première institution financière danoise compte comme actionnaires la famille Maersk, armateurs à l’origine, mais aussi d’autres banques européennes, Amundi, Norges Bank et Deutsche Bank, sans compter les investisseurs américains Blackrock et Vanguard. Autour de la table, c’est le monde de la finance européen qui fait une dernière répétition avant la grande saison des assemblées. Danske Bank a fait face cette année, comme en 2022, aux résolutions Climat de Action Aid. L’ONG Sud-Africaine demande de façon systématique aux soixante premières banques du monde de cesser de financer les énergies fossiles. Un graphe a circulé, montrant un total de 4 500 milliards de dollars de financement du charbon, du pétrole et du gaz de schiste par ces banques depuis 2016, la majorité allant à la prospection pétrolière. L’équivalent d’un an de PIB de l’Allemagne. Danske Bank finance une toute petite part : 6,7 milliards de dollars. Grâce aux soutien des autres banques présentes au capital, les trois résolutions d’Action Aid n’ont pas passé la barre de la majorité des votes. Mais Danske Bank n’a pas pu éviter la mauvaise publicité faite à sa stratégie Climat, pourtant présentée en détail. Et la banque danoise n’a pu éviter non plus la contagion médiatique entre cette contestation et les scandales de blanchiment sur lesquels elle a accepté, en décembre dernier, de régler 2 milliards de dollars à la justice américaine. Les contestataires n’ont pas gagné la bataille des votes, mais ils ont gagné celle de l’image. Et la réputation pèse lourd quand le client final doit choisir sa banque et les ONG activistes le savent bien.

Action Aid ne s’arrêtera pas là. Il reste 59 banques sur sa liste, en Europe, au UK et aux US. Le prochain rendez-vous est l’assemblée de Wells Fargo aux Etats-Unis le 25 avril. D’après Action Aid, la banque a financé les énergies fossiles à hauteur de 272 milliards de dollars en cinq ans. Wells Fargo affronte également le mécontentement de ses actionnaires quant à sa gestion sociale peu lisible, avec le licenciement de centaines de personnes en février, dont certaines présentées une semaine plus tôt comme « hauts potentiels ». Un mois après qu’Apple a négocié la paix sociale, Wells Fargo va devoir choisir entre composer rapidement avec ses syndicats ou voir ce sujet social éclater en assemblée. Action Aid, active sur le Climat, est prête à élargir son action en soutenant les revendications syndicales. Les grands investisseurs internationaux comme Blackrock aussi.

En France, la première échéance de Action Aid est l’assemblée de BNP Paribas le 16 mai. L’ONG menace déjà de soumettre ses résolutions contestataires. Elle rappelle que la banque a déjà été mise en demeure par trois autre ONG – l’ONG brésilienne Comissão Pastoral da Terra (CPT), l’association française Notre Affaire À Tous (NAAT), et l’ONG nord-américaine Rainforest Action Network, qui demandent à BNP Paribas de cesser de financer Marfrig, responsable de déforestation illégale en Amazonie.

Face à cette ébullition, la France a un atout. Le régulateur appelle à l’apaisement et au dialogue. Dans une communication officielle, l’AMF a recommandé le 8 mars toutes les sociétés cotées à « renforcer encore leur communication sur leur stratégie climatique et à la présenter à chaque assemblée générale sous la forme d’un point à l’ordre du jour avec débat ». Une possibilité juridique spécifique à la France, à laquelle actionnaires et sociétés ont rarement recours, préférant limiter l’assemblée aux sujets faisant l’objet d’un vote.

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