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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Comment et pourquoi le CAC 40 peut et doit «partager sa valeur»

Le débat sur le «partage de la valeur» porté par le parti présidentiel arrive au moment ou les grandes entreprises françaises annoncent d’excellents résultats et mettent en avant ce thème dans leur communication.

e débat sur le «partage de la valeur» porté par le parti présidentiel arrive au moment ou les grandes entreprises françaises annoncent d’excellents résultats et mettent en avant ce thème dans leur communication.

20% de croissance du retour à l’actionnaire? Nous y sommes. Toute la question va être de choisir la base de calcul: intègre-t-on, ou pas, les rachats d’actions record effectués en 2022? Hors de France, ils font partie du calcul des sommes revenant aux actionnaires ; en France, ce n’est pas aussi net, et la barre ne sera donc pas forcément franchie. Un point un peu technique absent de la sphère médiatique, mais qui pourrait bien changer la donne. Si la base de calcul reste le dividende, la «super participation» restera à la discrétion des entreprises et le débat initié depuis six mois n’aura rien changé aux règles obligatoires. En revanche, il aura imposé dans le dialogue social le sujet du partage de la valeur, auquel les entreprises françaises répondent surtout par l’actionnariat salarié, bien plus efficace

Les profits dégagés sont cette année au plus haut, signe de bonne santé de notre économie. On s’y attendait pour les secteurs pétrole, gaz et charbon ; depuis septembre, ils sont ciblés par l’Europe comme «superprofits» et concernés par la taxe européenne, la «contribution temporaire de solidarité». TotalEnergies devrait contribuer pour 2 milliards d’euros. On s’y attendait aussi pour le secteur de l’armement, qui lui n’est pas concerné par cette taxe. Dassault, Safran, Airbus sont en croissance de près de 25%, portés par les commandes publiques. Thales n’a pas encore publié ses chiffres.

On s’attendait moins à l’excellente santé des autres secteurs, qui auraient pu à l’inverse être ralentis par la crise ukrainienne. Là, c’est l’excellence opérationnelle qui explique les succès fièrement annoncés. Les ventes sont en croissance à deux chiffres, 15% en moyenne pour le CAC 40. Renault est tiré d’affaire, LVMH (actionnaire minoritaire de Challenges), Hermès et Kering n’ont jamais aussi bien vendu, Legrand, Schneider Electric et Vinci sont en grande forme.

Les marges grimpent encore plus vite, malgré l’inflation des coûts. Les réorganisations initiées en 2020 jouent à présent à plein ; Sanofi se félicite d’avoir économisé 2,5 milliards d’euros, Carrefour 800 millions d’euros. Hermès et Michelin préfèrent expliquer comment ils ont augmenté leurs prix, avec une montée en gamme de l’offre, et des créations d’emplois. Les liquidités, partout, remontent en abondance. Elles financent un rythme de croissance externe jamais atteint encore – 31 acquisitions en 2022 pour Vinci. Les entreprises en profitent aussi pour rembourser leurs dettes, se faisant plus légères et agiles en cas de nouvelle crise. Ces cashflows reviennent enfin beaucoup aux actionnaires.

C’est là que le débat initié par Renaissance s’impose. Les dividendes augmentent, mais ne passent pas le cap des 20% d’augmentation. Simultanément, les campagnes de rachats d’actions atteignent des niveaux jamais vus: BNP Paribas annonce 5 milliards d’euros, TotalEnergies 2 milliards, Société générale 440 millions. Les députés intègreront-ils cela dans leur calcul? La tradition française est de communiquer séparément sur les dividendes et les rachats d’actions. Et pour l’instant, ni les députés, ni le gouvernement, ni les syndicats n’ont soulevé ce point technique. Pourtant, hors de France, les entreprises présentent le chiffre total du «retour à l’actionnaire»: en Allemagne Mercedes pose comme base de la discussion le chiffre de 4 milliards d’euros intégrant dividende et rachats d’actions.

Les champions français s’attendent à conserver l’initiative du partage de la valeur avec leurs propres salariés, sans que la loi leur impose quelconque «super participation». Ils insistent avec pédagogie sur leurs initiatives, déjà nombreuses. Les indicateurs de performance sur la gestion du capital humain sont présents dans presque toutes les présentations de résultats ce printemps, une première: heures de formation, réduction de l’absentéisme, diversité de genre, aide au télétravail. Ces indicateurs conditionnent, pour 5%, les bonus des dirigeants – lesquels n’ont pas encore été rendus publics. LVMH détaille son action locale, les créations d’emplois directes et indirectes en France ; un emploi créé par LVMH en génère quatre sur le sol français

TotalEnergies fait même du «partage de la valeur» le titre du communiqué de ses résultats annuels, soulignant les augmentations de salaires, les primes, l’intéressement, la participation. Française des Jeux insiste sur le chiffre déjà élevé de la participation et l’intéressement: 24% de la masse salariale. L’actionnariat salarié est aussi un levier très puissant: la France est le pays d’Europe qui compte le plus de salariés actionnaires. Bouygues est détenu à 17% par ses salariés, et nombreux sont les groupes du CAC 40 à compter les salariés comme premiers actionnaires: Veolia, Vinci, Safran, Axa, BNP Paribas, TotalEnergies, ou encore Société générale.

B.H

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