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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Le « Say-on-Climate » ferait-il long feu ?

Quelque chose ne tourne pas rond sur la planète Say-on-Climate. On a d’un côté des scores d’approbation élevés, qui laisseraient penser que tout va bien, et d’un autre des contestations spectaculaires, et plus de résolutions dissidentes que jamais.

C’était pourtant bien parti. Ce printemps 2022 en Europe, une trentaine de résolutions Climat étaient soumises au vote, certaines proposées par les sociétés, d’autres par des contradicteurs, suivant un parcours bien balisé, dans le calme. Le débat en assemblée s’annonçait riche et confiant, sûr de déboucher sur une stratégie Climat consensuelle. Las, ce vote Climat peine à trouver sa voie. Les questions se multiplient. Que faut-il soumettre au vote, la stratégie, les objectifs, l’exécution ? Une fois pour toutes ou chaque année ? En cas de désaccord entre management et actionnaires, l’ouverture au dialogue est-elle récompensée ? Les développements de ce printemps 2022 incitent plutôt à penser le contraire.

On croyait révolu le temps des « incidents de séance », des manifestants Greenpeace descendant du plafond du Palais des Congrès à l’assemblée 2018 de Total, qui ne s’appelait pas encore Totalénergies. Le même Greenpeace était de retour mercredi 25 mai, devant la Salle Pleyel, avec plus d‘une centaine de militants d’autres ONG environnementales, Les Amis de la Terre, et Alternatiba. Arrivés deux heures avant le début de l’assemblée, ils ont barré aux actionnaires de Totalénergies l’accès à l’assemblée, protestant contre la politique climatique du groupe, jugée insuffisante, et sur sa présence en Russie. La presse a relayé ces images fortes, et celles des grands absents de l’assemblée : la coalition de sociétés de gestion, dont le néerlandais MN, Edmond de Rothschild Asset Management et La Financière de l’Echiquier, qui voulaient proposer une autre stratégie Climat. Ils avaient choisi la méthode soft, ils n’étaient pas avec les ONG qui barraient le passage aux actionnaires, mais Totalénergies avait jugé leur proposition juridiquement irrecevable. Au final, l’assemblée s’est tenue, et les actionnaires ont approuvé à 89% la stratégie Climat du pétrolier français. Signe additionnel de soutien, le cours de bourse a pris 5%. Mais quelle lecture faire de ce succès, quand il est au prix de clivages extrêmes ?

Les choses se seraient-elles mieux passées si Totalénergies avait accepté de débattre d’une résolution Climat dissidente ? Pas forcément, si on observe ce qui s’est passé à l’assemblée Shell. Ce n’est pas du tout encourageant. Le 24 mai, à Londres, un groupe de 70 activistes Climat a interrompu l’assemblée du « major », pendant 1h30, chantant “We will, we will stop you!” sur l’air du titre de Queen “We will rock you”, jusqu’à l’arrivée de la police. C’est l’ONG Money Rebellion qui dénonçait l’inaction climatique de Shell, après avoir perturbé ces dernières semaines de la même façon les assemblées des banques HSBC, Barclays et Standard Chartered. Shell avait pourtant accepté d’inscrire à l’ordre du jour une résolution Climat « dissidente », proposée par l’ONG Follow This, en plus de la résolution Climat proposée par Shell. Un débat était prévu en assemblée. Andrew Mackenzie, le président du Conseil de Shell, suppliait les manifestants d’attendre ce moment, pour s’exprimer dans le calme. Lorsque l’assemblée a repris, au moment du vote, la stratégie Climat de Shell a été approuvée à 80%, celle des contestataires à 20%, mais ils n’étaient plus là pour s’exprimer : pour pouvoir reprendre le cours de l’assemblée, Shell avait été obligée d’appeler la police pour les faire sortir de la salle. Comme pour Totalénergies, le cours de bourse de Shell s’est apprécié dans la foulée. Et comme pour Totalénergies, on ne peut pas lire le succès du Say-on-Climate de Shell en faisant abstraction de toute la contestation qui l’a entouré, mais ne s’est pas traduite dans le vote. C’est une défiance latente, qui peut resurgir d’un jour à l’autre, sur un autre sujet.

Le Say-on-Climate, c’est comme tout sujet soumis au vote : l’opinion publique fait très bien la différence entre les scores d’approbation qui sont le fruit d’un débat et les autres. Il faut restaurer le dialogue, sinon le Say-on-Climate sera un sujet de façade, une bonne idée qui fera long feu. Alors que nous l’attendons comme la pierre angulaire d’une stratégie.

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