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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

« Comment gérez-vous l’inflation ? »

La question est posée par un actionnaire en assemblée générale, à Plastic Omnium le 21 avril. Elle est posée partout, ce printemps. Les actionnaires ont, dans la plupart des pays, retrouvé avec bonheur les salles, quelquefois les buffets et même les cadeaux. La première partie des assemblées est au beau fixe, centrée sur des résultats 2021 record. Mais les visages s’assombrissent au moment des questions-réponses. L’Ukraine est le premier sujet des actionnaires ; puis vient l’inflation. Elle pose des problèmes multiples : la réduction des marges va diminuer le résultat, donc le dividende, donc le pouvoir d’achat de l’actionnaire ; mais il est souvent aussi client, et donc n’a pas forcément envie que l’entreprise répercute toutes les hausses de coûts ; il s’inquiète ; et enfin, l’actionnaire est aussi citoyen, il sait que protection des marges signifie souvent réduction des coûts fixes, et s’inquiète du sort des salariés. 

La France n’est pas un cas isolé. A l’assemblée de Deutsche Telecom en Allemagne, un actionnaire demande: « quelles mesures avez-vous prises pour répondre à l’inflation ? ». C’est quasiment la même question qu’à l’assemblée de l’Oréal « quelle sera la politique face à l’inflation ? ». A Vinci, à Gecina, les actionnaires demandent plus sobrement « comment l’inflation impacte l’activité ». Certains actionnaires cherchent déjà les solutions pratiques. « Avez-vous des clauses automatiques pour répercuter l’inflation ? », s’interroge-t-on en assemblée d’Elior.

Il faut dire que ce printemps, aucun exposé n’a encore vraiment expliqué la mécanique de l’inflation ni comment l’entreprise allait être affectée. C’est un sujet qu’on n’aborde pas en assemblée habituellement – peut-être parce que cela fait bien quarante ans que l’inflation n’était pas revenue. Prudentes, les sociétés mentionnent le risque en abordant les perspectives 2022, sans développer. Même en Allemagne où les tensions sur les prix sont encore plus élevées qu’en France, les sociétés n’abordent pas proactivement le sujet avec leurs actionnaires. L’inflation, un des principaux risques financiers 2022, est aussi absente des exposés des commissaires aux comptes, dans les analyses de sensibilité par exemple, ou les fameux « Key Audit Matters ». Le sujet vient sur la table au moment des questions-réponses. Les dirigeants annoncent alors sans détour la mauvaise nouvelle : cela va impacter les marges.

Laurent Favre, le directeur général de Plastic Omnium, est pédagogue. Il répond à l’actionnaire que l’inflation impacte le coût des matières premières, le coût de l’énergie et les coûts de personnel, puis donne la position de l’entreprise sur chaque volet. Elle arrive par ses accords à compenser l’inflation des matières premières mais les négociations sont plus dures avec les fournisseurs d’énergie. Il n’aborde pas le chapitre des coûts de personnel. A CNP, la présidente Véronique Weill reconnaît que la conjoncture est dure et rappelle que « la Raison d’Etre, dans ces temps difficiles, est une boussole ». A Téléperformance, les actionnaires sont plus incisifs et la question de l’impact sur les salariés est directement posée : « l’inflation va réduire le pouvoir d’achat de vos employés, quelle est votre capacité d’augmentation des prix ? ». Daniel Julien reconnaît que cela va être dur mais ne précise pas les intentions de la société. A Heineken aux Pays-Bas, groupe déjà éprouvé par une restructuration lourde, le directeur financier Harold van den Broek explique que l’entreprise n’arrivera pas à répercuter toute l’inflation dans les prix, il va falloir accélérer encore les « baisses de coûts fixes » pour conserver les marges. Le groupe, très ralenti par la pandémie, s’était déjà résolu à réduire de 10% ses effectifs en 2021, et pensait voir le bout du tunnel.

Cette semaine se tiennent de nombreuses assemblées au Royaume-Uni et en Allemagne, deux pays à inflation encore plus forte qu’en France. Astrazaneca, Glencore, Daimler … nous serons là. 

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