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L’édito de Bénédicte Hautefort

Rio Tinto : les activistes mettent le commissaire au compte sous pression

Quand les entreprises ne veulent pas entendre l’importance de l’extra-financier, les contestataires viennent sur leur terrain : elles mettent sous pression les commissaires aux comptes. L’assemblée de Rio Tinto ouvre un angle nouveau qui pourrait bien faire école.

Rio Tinto est le premier groupe minier du monde, créé en 1873 sur la mine éponyme, en Espagne. Le groupe est aujourd’hui de nationalité anglo-australienne. Premier producteur d’aluminium depuis le rachat d’Alcan en 2007, qui avait lui-même racheté Péchiney en 2003 ; un des premiers mondiaux aussi pour le fer, le charbon et le cuivre. C’est un géant, souvent controversé pour ses pratiques peu environnementales. La destruction en mai 2020 en Australie de grottes aborigènes préhistoriques parmi les plus anciennes de ce continent a contraint le directeur général de l’entreprise de l’époque, Jean-Sébastien Jacques, à la démission. Plus récemment en janvier 2022, le gouvernement serbe a fermé le projet de lithium du groupe dans la région, sous la pression de la population, et en février 2022, un rapport interne, rendu public, a fait état de brimades, racisme et sexisme dans l’entreprise.

Sur cette toile de fond extra-financière discutable, le nouveau directeur général de Rio Tinto, Jakob Stausholm, a présenté lors de l’assemblée générale du 8 avril à Londres le meilleur bénéfice annuel de son histoire en 2021 et a versé aux actionnaires un dividende record de 16,8 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année, grâce à la hausse des prix du minerai de fer et à la forte demande du principal consommateur, la Chine. Et a simplement dit « Nous avons beaucoup de travail à faire – mais je crois que nous sommes sur la bonne voie”, en réponse aux nombreuses questions sur les aspects non financiers, durant une assemblée en présentiel de plus de 2h dont 50 minutes de questions-réponses.

Mais face à Rio Tinto est campée l’association Climate Action 100+, et ses 68 milliards de dollars d’actifs sous gestion. On les connaît bien sur la place de Paris : au printemps 2021, où l’association a croisé le fer avec Totalénergies, demandant le « Say-on-Climate ». Totalénergies ne s’est pas aligné sur les exigences des contestataires, mais a soumis au vote – avec succès – une résolution Climat proposée par la société.  Cette année, Climate Action 100+ a écrit à 17 groupes multinationaux jugés insuffisamment transparents en termes de prise en compte du risque Climat dans leurs comptes. Parmi celles-ci, Rio Tinto. Climate Actions 100+ a indiqué que ses membres voteraient contre les comptes de la société, le renouvellement des Présidents de Comités d’Audit et des commissaires aux comptes concernés.

L’assemblée générale de Rio Tinto le 8 avril est le premier passage à l’acte. Le fond d’investissement Sarasin & Partners, l’un des 570 membres de Climate Action 100+, a voté contre les comptes financiers de Rio Tinto et le renouvellement du mandat de l’auditeur KPMG. Blackrock et Capital Partners aussi. L’issue des votes n’est pas encore connue, Rio Tinto ayant la particularité d’être bicéphale, avec une assemblée en deux temps : l’Acte II se jouera le 5 mai à Melbourne. D’ici là, Rio Tinto est dans une situation inconfortable, mais il n’est désormais plus seul, son commissaire aux comptes KPMG aussi.

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