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Danone : remettre à plat le rôle de « président d’honneur »

L’assemblée de Danone fait, cette année encore, l’actualité. Six investisseurs demande à l’assemblée du 26 avril la formalisation du rôle de « Président d’honneur » dévolu à Franck Riboud. Ce ne sont pas des hedge funds ni de méchants activistes, mais de gentils investisseurs « ISR », les préférés de Danone quand le groupe a adopté le statut d’entreprise à mission, en 2020.  Mirova, le fond investissement durable de Natixis, OFI AM, l’un des premiers fonds ISR français, Phitrust, et trois acteurs moins médiatisés, ERAFP, Ircantec et la Caisse d’Assurance Vieillesse des Pharmaciens. Ils mettent en cause le fait que Franck Riboud, comme Président honoraire, peut être présent à chacune des séances du Conseil, sans avoir été élu par les administrateurs, alors que sa légitimité lui donne un poids et une influence forte – et de surcroît, il touche une rémunération. Curieusement, le Conseil d’Administration de Danone recommande de voter contre cette demande de clarification.

Lever le flou sur cette fonction aurait été pourtant bienvenu. Pour les investisseurs étrangers qui composent aujourd’hui près de la moitié du capital du CAC 40, le concept de « président d’honneur » ou « président honoraire » est incompréhensible. Cela n’existe qu’en France. Danone est loin d’être un cas isolé, ni récent. La fonction de « président d’honneur » a été inventée pour Claude Bébéar, en 2008. Il quittait alors, à 72 ans, la présidence du groupe qu’il avait fondé. Jacques de Chateauvieux lui succédait comme Président du Conseil, Henri de Castries comme président du Directoire. Depuis, Henri de Castries est devenu PDG, puis est parti, la structure de gouvernance a changé, les hommes ont changé, jusqu’au tandem actuel Denis Duverne – Thomas Buberl. Claude Bébéar est resté président d’honneur.

Depuis, 16 autres « Présidents d’honneur » ont été nommés dans le SBF120, et un 17ème si on ajoute Pierre Bellon, le fondateur de Sodexo décédé le 31 janvier dernier. Robert Zolade chez Elior, Jean Burelle chez Plastic Omnium, Didier Pineau-Valencienne chez Schneider Electric, Charles Edelstenne chez Dassault Aviation, Bruno Roger chez Eurazeo, ils ont en commun d’être de fortes personnalités, plutôt senior. Au moment où ils sont nommés présidents d’honneur, ils ont, en moyenne, 23 ans d’ancienneté – la palme revient à Jean Burelle, avec 50 ans d’ancienneté. Autant dire qu’ils connaissent la maison comme leur poche, souvent parce qu’ils l’ont eux-mêmes créée. Avec 29 ans de maison et 66 ans, Franck Riboud fait presque figure de petit jeune.

Ce n’est pas l’argent qui les motive. La moitié d’entre eux ne perçoivent aucune rémunération pour cette fonction – Claude Bébéar par exemple. L’autre moitié touche en moyenne 88 000 euros par an, leur salaire pour une semaine quand ils étaient aux commandes. Leur rôle est d’être la mémoire de l’entreprise, et leur attente est de jouer encore un rôle, dans leur propre entreprise. Certains, comme Bruno Roger, 88 ans, ou Didier Pineau-Valencienne, 90 ans, ont un bureau, s’y rendent tous les jours ou presque, ont porte ouverte pour les dirigeants qui sont souvent leurs anciens subordonnés. Officiellement ils n’assistent au Conseil que quand on les invite, mais qui oserait ne pas les inviter ? Ils se comportent comme des présidents non exécutifs en somme. C’est cela que les investisseurs étrangers ne comprennent pas : une entreprise ne peut pas avoir deux présidents, un officieux et un officiel nommé par l’officieux. Et pourtant, c’est le cas et cela fonctionne même plutôt bien en France.

Dans leur demande à Danone, Mirova et ses alliés proposent que ces « présidents d’honneur » soient nommés censeurs. Ils seraient hors champ de la limite d’âge imposée aux administrateurs, ils seraient élus par les actionnaires,  ils siègeraient officiellement au Conseil mais sans droit de vote, leur rôle serait clair.

Vincent Bolloré aurait pu se faire nommer président d’honneur de Vivendi, il a choisi de se faire nommer censeur. Avait-il parlé avec Mirova ?

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