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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

#WestandwithUkraine

#StandwithUkraine

Aujourd’hui est le 5ème jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les grandes entreprises prennent position. Les annonces se succèdent et incarnent les cultures maison : politiques, plaçant le rapport de force contre Vladimir Poutine comme seul objectif, quel que soit l’effort personnel à fournir, ou pragmatiques, trouvant des solutions pour limiter les dégâts sur le plan économique pour leurs salariés, et leur sécurité aussi. A chaque annonce, la bourse réagit avec fébrilité, à la hausse comme à la baisse, augmentant encore la pression sur ces grands dirigeants.

Les grands pétroliers sont sous les projecteurs. Ce sont des géants mondiaux, leurs dirigeants sont très écoutés, les relations entre entreprises et Etats très fortes. Et, surtout, le gaz russe est identifié par les experts géopolitiques comme le principal levier des Européens sur la Russie. L’enjeu est lourd pour la Russie, c’est sa première source de devises. Mais il est aussi lourd pour l’Europe, qui dépend aujourd’hui du gaz russe, à 40%.

Les Allemands ont parlé en premier. Ils ont suspendu la certification du gazoduc Nord Stream 2, qui devait relier directement la Russie à l’Europe, sans passer par l’Ukraine. Concrètement, cela complique les exportations de gaz russe, mais cela oblige les Allemands à consommer davantage de charbon, malgré les objectifs environnementaux qui leur sont chers. Ce retour en arrière est pour eux un effort considérable. A cette annonce, le cours des entreprises minières s’est envolé – l’action ArcelorMittal a pris 10% vendredi 25 février. Les ONG environnementales, habituellement promptes à réagir au retour du charbon, n’ont rien dit, ce qui peut être lu comme un soutien de la position des politiques.

En même temps, l’Allemagne s’attend à ce qu’une telle décision appelle des représailles. Elle double son budget militaire pour 2022, passant à 100 milliards d’euros. Les actions des groupes d’armement se sont aussi envolées – dont plusieurs Français.

La compagnie pétrolière britannique BP s’est montrée aussi intransigeante. Elle a annoncé dimanche qu’elle retirerait sa participation de 19,75% du capital de Rosneft, le géant pétrolier russe lié au Kremlin, et que son PDG, Bernard Looney, démissionnerait immédiatement du conseil d’administration de la société d’État russe. Pour BP, cela représenterait un enjeu de 25 milliards d’euros, et l’obligation de remettre à plat toute sa stratégie sur le gaz.

Totalénergies se place parmi les pragmatiques. La Russie est le premier pays de production du groupe.  Le PDG Patrick Pouyanné estime que l’Europe n’a aucune solution de remplacement immédiate, si les importations de gaz russe devaient cesser. Le problème vient du manque d’infrastructures pour accueillir les méthaniers avec le gaz venant d’autres pays. Il a donc obtenu que les importations de gaz soient l’exception à la règle d’exclusion des banques russes du système interbancaire Swift. Il protège ses troupes, d’un point de vue économique autant qu’au sens littéral de leur sécurité.

D’autres lui ont emboîté le pas, au nom de la défense de leurs salariés ou de leurs citoyens : Mario Draghi par exemple serait monté au créneau pour que les produits de luxe ne soient pas concernés par l’embargo, surtout ceux fabriqués en Italie.

A travers ces annonces, ce sont les cultures maisons qui s’expriment. Deux ans après l’éclatement de la crise Covid et les prises de position en chaîne qu’elle avait suscitées, les « grands patrons » sont à nouveau pressés de prendre la parole sur des enjeux bien plus larges que leur entreprise. Une façon très concrète, et ô combien exigeante, d’affirmer le rôle concret de l’entreprise dans la cité.

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