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La veille de l'Hebdo des AG

L’édito de Bénédicte Hautefort

Comment convertir les Français à la soft law ?

Les sociétés cotées ont plus de contraintes que les autres, c’est bien connu. En échange de l’accès au marché des capitaux, elles doivent se plier non seulement à un arsenal de lois françaises et de directives européennes, mais aussi à deux grands univers de contraintes : les exigences de leurs investisseurs, qui vont bien au-delà de la loi, et les règles convenues entre pairs, pour que la place boursière avance d’un même pas. Le premier volet est incarné par les politiques de votes des proxy, avec ISS en première ligne ; pour le second, elles choisissent un Code de Gouvernance, le Code Afep Medef surtout pour les plus grandes, ou le Code MiddleNext pour les autres, ou encore les Codes étrangers. Le hasard du calendrier veut que cette semaine sortent en même temps le rapport annuel du HCGE, le Haut Comité de Gouvernance qui évalue chaque année l’application du Code Afep Medef, et la politique de vote 2022 d’ISS. Celle-ci exige encore plus de transparence sur les processus de rémunération des dirigeants, surtout sur les critères extra-financiers ; les entreprises y répondent en harmonisant leurs pratiques, avec des Codes comme l’Afep Medef. L’enjeu est de transformer cette démarche de place en soft law, pour éviter de nouvelles lois. Mais la France n’a pas encore l’habitude. 

Patricia Barbizet, présidente du HCGE, commente aujourd’hui le rapport 2021 et rappelle en effet le cap : la gouvernance durable, c’est la soft law, le droit souple. C’est en comparant leurs pratiques que les sociétés cotées identifient collectivement la voie étroite qui permet de satisfaire toutes les parties prenantes, et d’éviter d’alourdir encore le fardeau législatif. C’est l’esprit du Code, c’est la direction à suivre. La réalité présente n’en est pas encore là : pour l’instant, sur les sujets de place, le Code n’a pas évité d’en passer par une loi. En 2011, la loi Copé-Zimmerman sur la féminisation des conseils d’administration, en 2013, la loi Sapin 2 sur le vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants, en 2019 la loi Pacte sur les administrateurs salariés, et bientôt la loi Rixain sur la féminisation des équipes – alors que le Code s’est exprimé sur le sujet dès janvier 2020 et que la proportion de femmes dans les comités exécutifs français progresse bien plus vite qu’ailleurs. Reste que sur chacun de ces sujets éminemment sensibles, le Code Afep Medef accélère les choses : notre dossier spécial le montre. Lorsqu’une loi est votée, les sociétés qui suivent ce Code appliquent la loi plus vite que les autres, bien avant les dates limites. Cela structure une démarche cohérente de place, qui a maintenant effectivement les moyens pour se transformer en droit souple.

Cédric Lavérie, Head of Governance d’ISS, dévoile demain matin la politique de vote 2022 d’ISS dans le cadre de l’Académie de Gouvernance HebdodesAG. Sans surprise, on parlera encore une fois surtout de rémunération des dirigeants. ISS relève la barre sur les critères ESG, les ratios d’équité, les primes exceptionnelles. Sur les valeurs absolues, en revanche, les investisseurs restent ouverts. Si le process de calcul leur convient, ils sont d’accord pour récompenser le succès des entreprises, qui fait aussi leur propre bonheur en bourse. Entre ce pragmatisme financier et le contexte sociétal français qui se remet à peine des « Gilets Jaunes », c’est précisément aux Codes de gouvernance qu’il revient d’encadrer la pratique collective. Une soft law, pour éviter une autre loi.

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