Promouvoir les meilleures pratiques des sociétés cotées

Informer

La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Les administrateurs qui deviennent « non-indépendants » au bout de 12 ans : une requalification par leurs pairs, sans que rien les y oblige
Cette semaine, l’Hebdo des AG a mis le projecteur sur les administrateurs indépendants. Sujet clivant, parce qu’il suscite beaucoup d’émotion. La rumeur veut que les investisseurs, et surtout les « proxys », leurs ambassadeurs, soient rigides et votent mécaniquement contre les administrateurs présentés comme indépendants mais totalisant plus de 12 ans de présence au Conseil ; il s’ensuit, parfois, un départ de ces personnalités, les sociétés ne souhaitant pas essuyer un revers électoral.
Nous avons d’abord étudié les textes. L’administrateur indépendant est un objet juridique étonnant, auquel la loi (européenne transposée en droit français) fait référence sans jamais le définir. Les entreprises ont des obligations légales, de composition de comités par exemple, qui font intervenir la notion d’administrateur indépendant, mais sans préciser de quoi exactement il s’agit. Les investisseurs, par la voix des « proxys », l’ont explicité, avec plusieurs critères : plafond de transactions avec des parties liées (montants variables suivant les « proxys » entre 0 et 100 ke/an), délai de 5 années après des responsabilités exécutives dans la société, plafond d’ancienneté dans le Conseil (11 ou 12 ans révolus suivant les « proxys »). Le code Afep-MEDEF, notre « soft law », donne la même définition, avec les mêmes métriques, tout en précisant que l’appréciation de l’indépendance d’un administrateur revient, in fine, au Conseil. En d’autres termes : sur les définitions, investisseurs et sociétés convergent.
Alors, est-ce sur l’interprétation des textes qu’il y aurait divergence ? Nous avons observé les faits, et les chiffres.
Sur 1601 administrateurs qui composeront les Conseils après les AG 2018 (si tous les candidats sont élus ou réélus), 715 sont qualifiés d’indépendants par les sociétés.
Ces 715 administrateurs ne sont pas, d’après leur biographie, partie liée avec la société, et n’y ont pas exercé de responsabilité exécutive depuis moins de 5 ans. Sur ces deux critères, toutes les parties sont d’accord, nous sommes en présence de 715 « indépendants ». C’est le troisième critère qui fait débat, celui de l’ancienneté : 48 de ces 715 administrateurs ont passé le cap des 12 ans d’ancienneté qui pourraient les faire considérer comme « non indépendants ». Autrement dit, ils sont présentés par les sociétés concernées comme « administrateurs indépendants », du fait de leur personnalité, nonobstant le fait qu’ils ne cochent pas ou plus les trois cases requises.
Il se trouve que 10 de ces « administrateurs-indépendants-avec-plus-de-12-ans-d’ancienneté » sollicitent le renouvellement de leur mandat ce printemps. De mauvais augures avaient prédit pour eux, en début de saison, des scores catastrophiques. C’est l’inverse qui s’est produit : les investisseurs les ont plébiscités, démontrant qu’ils ont une analyse beaucoup plus subtile que l’approche mécanique qui leur est prêtée. A titre d’exemple, John Glen, administrateur de Bic depuis 13 ans et président du Comité d’audit, a été réélu à 99% ; Benoit Potier, administrateur de Danone depuis 15 ans et président du Comité de stratégie a été réélu à 91%.
Enseignement : les investisseurs et les « proxys » comprennent très bien que l’indépendance est un état d’esprit, avant d’être un ensemble de critères quantifiables ; les scores démontrent qu’ils sont favorables à la réélection des administrateurs indépendants qui ont construit l’histoire de la société. Ce sont d’autres raisons qui amènent les sociétés à requalifier de « non-indépendants » leurs administrateurs indépendants historiques.
 

Numéro en cours

Numéro précédents