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L’édito de Bénédicte Hautefort

Le premier exposé d’une « entreprise à mission » française

Le premier exposé d’une « entreprise à mission » française

Jeudi 29 avril, Danone a tenu une assemblée toute pleine d’innovations juridiques. C’est moins spectaculaire que les échanges concernant la succession d’Emmanuel Faber, mais tout aussi structurant pour l’avenir. Cela s’est passé entre le rapport de l’administrateur référent et celui du directeur financier. Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC et président du « comité de mission » de l’entreprise, a pour la première fois présenté le rapport de ce comité, créé en 2020 avec le statut d’entreprise à mission. Il était très attendu sur ce qu’il allait dire. Le contenu a ressemblé à un exposé RSE très détaillé.  Un peu plus tard, juste avant la session de Q&A en direct, Gilles Schnepp, président, a traité un « point à l’ordre du jour », demandé formellement par l’investisseur Phitrust. Une première en France aussi, une réponse très attendue aussi : est-ce que ce serait différent d’un Q&A ? Phitrust avait employé les grands moyens pour entendre le point de vue de chaque administrateur sur le plan stratégique « Local First ». Quatre administrateurs s’expriment, et réaffirment le point de vue collégial du Conseil, une vision très française. Gilles Schnepp redit le soutien du Conseil au projet « Local First »; Cécile Cabanis, vice-présidente du Conseil, redit l’engagement de Danone comme « entreprise à mission », ayant à cœur que les efforts du groupe ne s’arrêtent pas aux portes des usines ; Serpil Timuray rappelle les engagements concernant la neutralité carbone, et la biodiversité ; sur la gouvernance du groupe, Michel Landel rappelle que le conseil a abordé le sujet de la dissociation des fonctions de manière approfondie, et a lancé le recrutement d’un nouveau directeur général. Au final, toutes les résolutions ont été très largement approuvées, c’est ce qu’on appelle une assemblée qui se passe bien.

Chez Accor, Sébastien Bazin n’a pas eu la même chance ; sa rémunération n’a été approuvée qu’à 76%, alors que la société avait fait l’effort de documenter le raisonnement des administrateurs, pour lui octroyer un bonus sur sa bonne gestion de la crise sanitaire, alors même que tout avait changé depuis le choix des critères de variable début 2020. Las, la toute-puissante agence de recommandations de vote ISS n’a pas compris. Paradoxe : depuis le début de cette année, ce sont les « bons élèves » comme Accor qui sont sanctionnés. La pratique qui pour l’instant fonctionne le mieux au moment des votes consiste à octroyer une « surperformance de bonus RSE » sans plus d’explication. Tout cela n’est ni logique, ni éthique, mais il va bien falloir l’intégrer, sauf si les investisseurs se mettent à récompenser la transparence.

Cette semaine a aussi confirmé la « peopolisation » des conseils du CAC 40. Un phénomène 2021. Un dirigeant entre au conseil d’un autre dirigeant, qui est aussi au conseil d’un autre dirigeant, etc. Officiellement, chacun est indépendant ; et c’est sans doute bien ainsi que chaque entreprise raisonne. Mais à l’échelle de la place, le phénomène trace une cartographie avec de plus en plus de liens croisés.  Guillaume Faury, DG d’Airbus, est entré au Conseil d’Axa ; Gilles Schnepp, président de Danone, au Conseil de Sanofi. Ils emboitent le pas à Alexandre Ricard, nommé administrateur de l’Oreal; et Pierre-André de Chalendar, entré au Conseil de Veolia il y a deux semaines. Demain 4 mai, Aiman Ezzat, directeur général de CapGemini, et Bertrand Dumazy, PDG d’Edenred, deviendront administrateurs d’AirLiquide. Les Conseils du CAC40, à la fin de la saison, pourraient bien ressembler aux fameux « noyaux durs » de 1986, censés protéger le capitalisme français des prédateurs extérieurs. Toutes ces nouvelles connections sont-elles des cas isolés qui vont fonctionner comme tels, ou une défense anti-OPA à l’échelle de la place ? La suite de la saison nous le dira.

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