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La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

Hervé Le Nabasque Lauréat du Prix de La Recherche de l’IFA 2018

Invité : Hervé le Nabasque

 

« les cas d’administrateurs en situation irrégulière sont relativement fréquents, tant les règles de « compliance » sont devenues complexes »

Quels sont, de votre expérience, les cas les plus fréquents de risque de nullité d’une décision de Conseil, pour une société cotée ?

Les cas les plus fréquents ne sont pas des risques de nullité directe, mais de réaction « en cascade » : la société tombe en-dessous du nombre d’administrateurs minimum nécessaire, du fait de la situation irrégulière d’un ou plusieurs administrateurs qui deviennent démissionnaires d’office. Or, les cas d’administrateurs en situation irrégulière sont fréquents, tant les règles de « compliance » sont devenues complexes. Les cas qui reviennent le plus souvent sont relatifs au cumul de mandats (supérieur à 5), à la propriété d’un nombre minimum  d’actions (inférieur au seuil fixé par les statuts ou le Règlement Intérieur) ou encore des cooptations irrégulière (i.e. sans que le siège d’administrateur vacant soit le fait d’un décès ou d’une démission, mais par exemple d’une révocation, ou simplement d’un siège laissé vacant pendant un laps de temps après l’expiration du mandat d’un administrateur sortant).

 

Quelle est la conséquence ?

 

Si le nombre d’administrateurs en situation régulière tombe en-dessous de 3 (minimum légal imposé par la loi), la société est alors en situation délicate car le Conseil n’a plus aucun pouvoir, sauf celui de convoquer une assemblée avec pour seul point inscrit à son ordre du jour la recomposition du Conseil. Ce n’est pas un cas d’école: je l’ai personnellement vécu plusieurs fois ; pas plus tard qu’il y a 6 mois pour une société cotée dans laquelle, suite à une succession de faits, aucun administrateur n’était en situation régulière.

 

En pratique, est-il déjà arrivé qu’une société convoque une assemblée à seule fin de recomposer son Conseil ?

 

Bien entendu ! Mais la démarche, pour les dirigeants, peut se révéler délicate. C’est une question de mesure du risque de contentieux. Le rôle des avocats est d’avertir, quand on constate une telle irrégularité, des conséquences et de la seule possibilité que la loi ouvre: convoquer une assemblée ad hoc. En pratique, il arrive cependant que les sociétés concernées intègrent cette régularisation dans l’assemblée portant approbation des comptes suivante : c’est qu’elles estiment que le risque de contentieux est faible. Il est toutefois préférable (c’est peu dire !) de tout faire en amont pour éviter de se trouver dans cette situation extrême.

 

 

Que se passe-t-il dans les cas intermédiaires où, même en enlevant le vote de l’administrateur concerné, la décision du Conseil restait valide, et inchangée ?

 

Si, décompte fait de la présence et du vote d’un ou de plusieurs administrateurs en situation irrégulière, il se fait que la décision du Conseil a été néanmoins adoptée à des conditions de quorum et de majorité satisfaisantes, le juge n’est pas enclin à prononcer la nullité. Il convient toutefois de se méfier de la proposition : elle séduit parfois les juges du fond mais je ne connais aucun arrêt émané de la cour de cassation qui soit venu la consacrer en forme de « principe ». La cour de cassation a même jugé l’inverse dans un arrêt « Remy Martin » (Cass. Com., 24 avril 1990) dans un contexte (il est vrai) où 2 administrateurs de cette société avaient été nommés par l’assemblée qui s’était rendue coupable, pour le coup, d’un abus de majorité (soit une irrégularité particulièrement grave).

Comment expliquez-vous que les sociétés cotées puissent se trouver dans de telles situations ?

Ces situations relèvent le plus souvent de l’inadvertance. Les administrateurs n’exercent pas leur mandat les yeux rivés sur le Règlement Intérieur ou les statuts, et ne sont en général pas juristes. Très souvent, ils étaient « compliant » à un moment donné, puis deviennent « non compliant », par exemple parce qu’ils ont accepté un autre mandat qui leur a fait passer le seuil « des 5 », ou ils n’ont pas acheté le nombre mimimum d’actions requis par les statuts ou le Règlement intérieur dans les délais requis (6 mois). Il faut ajouter que les règles qui définissent la composition régulière d’un Conseil sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus complexes et de plus en plus contraignantes – la loi Pacte va probalement ajouter, en ce domaine, de nouvelles exigences.

Que recommandez-vous ?

Prendre très au sérieux ces risques de nullité, d’abord, dans un monde où l’activisme et le contentieux actionnarial vont croissant, même dans les sociétés contrôlées par un actionnaire de référence. Former ensuite les administrateurs à la complexité des règles qui président à la composition régulière d’un conseil d’administration. Quand il y a irrégularité, régulariser aussi rapidement que possible en usant de toutes les possibilités que la loi offre, et être extrêmement vigilant, de façon à ne jamais être en situation irrégulière et, notamment, de tomber en-dessous du seuil de 3 administrateurs en situation régulière.

Hervé Le Nabasque est un juriste français spécialiste du droit des

sociétés et du droit financier. Professeur agrégé des facultés de droit il enseigne à l’Université Panthéon-Sorbonne.

Diplômé, notamment, du DJCE (diplôme de juriste conseil d’entreprise) de Rennes en 1979, il devient docteur en droit en 1986 après avoir soutenu sa thèse intitulée Le pouvoir dans l’entreprise sous la direction du Professeur Jean Paillusseau. Hervé Le Nabasque est également consultant pour le cabinet américain Weil, Gotshal & Manges.

Directeur de la formation de la licence en droit privé de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, où il enseigne le droit des sociétés, et du Master 2 de droit des affaires de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne depuis 2014. Il est par ailleurs professeur en droit des instruments financiers au sein du Master 2 (Recherche) de droit financier.

Hervé Le Nabasque est le directeur du Centre de recherche de droit financier qui fut créé en 2001 par les Professeurs Alain Couret, Paul Le Cannu et lui-même.

Il est un juriste très écouté dans le monde des sociétés et sur les places financières. Les grandes

sociétés cotées n’hésitent pas à faire appel à ses conseils. Il est également membre de l’Association française d’arbitrage (AFA) qui a pour vocation de promouvoir l’arbitrage pour la résolution des litiges.

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