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La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

Henri Brandford Griffith

avocat

Les actionnaires de Suez doivent être consultés

Suez a logé son activité Eau France dans une fondation de droit néerlandais pour les quatre années à venir, avec la mission de s’assurer que l’activité Eau France reste sous le contrôle de Suez pendant 4 ans. De cette façon, l’activité Eau France ne peut pas être cédée à Meridiam, comme il était prévu dans le projet initial de Veolia. Ce n’est pas la première fois qu’une telle « poison pill » est utilisée en France : il y a eu le précédent Arcelor/Mittal. Quelles sont les similarités / les différences ?

En avril 2006, Arcelor avait placé au sein d’une fondation hollandaise un de ses actifs majeurs acquis quelques semaines auparavant : le canadien Dofasco. Mittal avait prévu de le vendre pour financer l’achat d’Arcelor. Cette initiative l’a obligé à adapter ses plans, mais finalement, Mittal l’a emporté. D’un point de vue tactique, c’est la même idée ; mais d’un point de vue juridique, c’est différent : Arcelor était de droit luxembourgeois, Suez est de droit français.

Suez ayant son siège en France, les délibérations de ses organes sociaux doivent être appréciés au regard de la lex societatis française. Or, l’utilisation d’une structure de droit étranger ne doit jamais permettre de porter atteinte aux règles impératives de droit des sociétés, lorsque la société a son siège social en France, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’une société cotée en France, avec l’application du droit boursier français à titre de loi de police.

La « loi de police », celle de l’AMF, est explicite lorsqu’il s’agit de cession d’actif stratégique : depuis 2015, elle recommande de consulter les actionnaires. Est-on dans le même cas ?

Après la cession de SFR par Vivendi à Altice, qui s’était faite sans réunir d’assemblée générale, l’Autorité des marchés financiers a explicité sa doctrine, et préconisé la consultation de l’assemblée des actionnaires pour les cessions de la majorité des actifs susceptibles de modifier substantiellement le profil d’une société cotée, en posant les critères qui confèrent à un actif un caractère « stratégique ». Ici, nous sommes dans un cas un peu différent mais similaire : Suez, ainsi qu’elle l’a précisé en page d’accueil de son site, ne cède pas la filiale Eau France à la fondation néerlandaise – seules deux actions sur 42 millions sont cédées. Cependant, elle déplace dans cette Fondation une capacité de décision majeure, celle de décider de l’avenir d’un actif qui appartient à Suez et représente 46% de son chiffre d’affaires. Juridiquement il s’agit d’une cession, puisque le schéma retenu interdit de céder l’actif transféré, et porte ainsi atteinte un droit essentiel attaché au droit de propriété.

C’est un cas que la doctrine de l’AMF n’a pas encore couvert; je trouverais personnellement normal que la doctrine de 2015 soit étendue à des cas comme celui-ci. Les actionnaires de Suez doivent être consultés avant d’accepter de ne pas vendre cette filiale, pendant 4 ans.

Des voix s’élèvent enfin pour remarquer une particularité de gouvernance de cette Fondation : «  jusqu’à un éventuel changement de contrôle, le conseil d’administration de Suez conserve la possibilité de désactiver le dispositif ». En d’autres termes, si l’actionnaire de référence de Suez change, son Conseil d’Administration n’a plus le pouvoir de décider de l’avenir de sa filiale Eau, pendant 4 ans. 

Une lecture de cette phrase du communiqué de Suez est que les dirigeants de Suez ne sont plus révocables « ad nutum », puisque leur révocation induirait une sanction financière considérable, celle de l’inaliénabilité pendant 4 ans d’un actif essentiel et donc une grande perte de valeur pour le groupe Suez. Cette clause, en plus d’être discutable sur le plan de l’éthique comme sur celui du droit, est curieuse : la question aujourd’hui n’est plus de savoir s’il y aura ou non un transfert des titres Suez détenus par Engie. Engie a décidé de vendre sa participation dans Suez, donc l’actionnaire de Suez va changer, que ce soit Veolia ou pas. Une telle clause est un problème pour n’importe quel nouvel actionnaire– un « chevalier blanc » par exemple.

HENRI BRANDFORD GRIFFITH

Henri Brandford Griffith est un acteur incontournable depuis plus de vingt ans, dans les opérations françaises et internationales impliquant des sociétés cotées et non cotées, qu’il s’agisse de fusions-acquisitions ou d’offres publiques. Il est intervenu dans la quasi-totalité des offres publiques hostiles depuis le début des années 1990 et dans la plupart des contentieux générés par ces opérations.

Les principales batailles boursières dans lesquelles Henri Brandford Griffith était présent sont Global Resorts – Club Méditerranée, Seloger.com – Axel springer, IMS International Metal Service – Jacquet Metals, Arcelor – Mittal, Crédit Agricole – Crédit Lyonnais, Sanofi Aventis, Total – Elf, BNP – Paribas – Société Générale.

Il conseille régulièrement des grands groupes et des fonds sur leurs opérations de fusions-acquisitions en France et à l’étranger. Récemment, il a conseillé le Groupe Campari dans son acquisition de SPML (Grand Marnier) ainsi que Crédit Agricole SA pour le reclassement des certificats coopératifs d’investissement auprès d’une société holding regroupant les caisses régionales.

Il consacre aussi une partie importante de son activité au contentieux des affaires et intervient tant dans les grands litiges nés de la réglementation boursière que dans les contentieux complexes de droit des sociétés.

Henri Brandford Griffith est diplômé de l’université Paris II Assas (maîtrise de droit des affaires) et est membre du Barreau de Paris depuis 1988. Il a exercé au sein du Cabinet Gide Loyrette Nouel et a fondé le Cabinet Brandford Griffith & Associés.

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