ordres du jour, comptes rendus, questions d’actionnaires

La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

Colette Neuville, Présidente du Comité de Rémunération de Getlink

Présidente du Comité de Rémunération de Getlink

La quête sans fin de transparence, sur les critères de rémunération en particulier, ne doit pas faire perdre de vue qu’une bonne gouvernance, c’est d’abord une bonne performance

La quête sans fin de transparence, sur les critères de rémunération en particulier, ne doit pas faire perdre de vue qu’une bonne gouvernance, c’est d’abord une bonne performance.

Cette année, la rémunération des dirigeants occupe une large place dans l’agenda des assemblées générales, avec pour la première fois le vote décisionnaire des actionnaires sur les « bonus ».

Pour l’instant, les votes sont, en moyenne, au même niveau qu’en 2017 (84% pour les « bonus » (Say-on-Pay) ; mais cette moyenne est constituée de scores plus contrastés, avec davantage de votes « de justesse » (<60%). Qu’en pensez-vous ?

Les rémunérations sont jugées suivant la même grille d’analyse, qu’il s’agisse d’un vote consultatif ou d’un vote contraignant : il n’est donc pas étonnant que les scores soient, dans l’ensemble, comparables malgré ce pouvoir accru. Quant aux scores « décalés », il s’agit dans la plupart des cas d’un déficit d’explications ou de justifications, non pas tant d’ailleurs par rapport aux demandes des actionnaires que par rapport aux exigences des sociétés de conseils en vote dont les recommandations sont très suivies. Il y a une explication dans chaque cas particulier. Mais il faut se garder d’assimiler le score obtenu par un dirigeant sur sa rémunération avec l’appréciation de sa stratégie par les investisseurs. Il peut y avoir divergence, même si dans l’ensemble, les scores obtenus dans les AG semblent indiquer qu’entreprises et actionnaires sont en phase sur les sujets de rémunération.

Les « parachutes » en revanche passent plus difficilement (-3 points sur le CAC 40, -16 points sur le Next 80). Comment l’expliquez-vous ?

Personnellement, j’ai toujours considéré que les parachutes n’étaient pas justifiés dans la mesure où (i) les dirigeants sont révocables « ad nutum », et (ii), le niveau de leur rémunération, généralement élevé en raison précisément du caractère précaire de leur mandat, leur permet de faire face en cas de rupture de ce mandat. Si on ajoute à cela l’existence de quelques scandales de la part d’entreprises qui ont versé des parachutes à leurs dirigeants en « forçant » les conditions de déclenchement ou encore le fait que certaines entreprises ont ajouté au « parachute » des indemnités de non-concurrence, voire des assurances chômage privées, on peut comprendre que les actionnaires aient des réticences par rapport à cet élément de rémunération.

Et que pensez-vous des actions « de performance » ?

Elles ont beaucoup contribué à l’inflation des rémunérations. Elles représentent souvent le tiers, voire la moitié de la rémunération totale et comme elles sont gratuites, elles ne font courir aucun risque à leurs détenteurs, sauf celui de moins gagner si le cours de l’action baisse. C’est ce qui les différencie des stock-options qui sont tombées en désuétude pour des raisons fiscales et qui sont mal aimées de l’opinion publique. Mais elles présentaient l’avantage de réaliser l’alignement des intérêts entre actionnaires et dirigeants, ce qui n’est pas le cas des actions gratuites, fussent-elles assorties de conditions de performance. De ce point de vue, elles ne sont pas des instruments de bonne gouvernance. Rien ne remplace le risque patrimonial dans l’appréciation de l’opportunité des décisions à prendre par les dirigeants. Comme en témoignent les performances des sociétés familiales.

On observe un très grand effort de transparence des sociétés : documents de référence très détaillés, notamment sur les critères de performance, exposés en assemblées plus longs, « roadshow gouvernance ».

C’est vrai que toutes les entreprises font un très gros effort de transparence sur les rémunérations. C’est évidemment une bonne chose mais je m’interroge sur la pertinence de l’évolution actuelle. D’abord, un premier constat s’impose : cette transparence n’a pas empêché, voire elle a même sans doute contribué à, une inflation continue et spectaculaire des rémunérations, alors qu’elle était censée la freiner. Ensuite, le calcul des éléments de la rémunération est devenu tellement complexe qu’il est devenu l’affaire de spécialistes : les entreprises sont à présent nombreuses à faire des « roadshows de gouvernance » pour expliquer les politiques de rémunération et les critères de performance auxquels obéissent les bonus de leurs dirigeants. Mais à qui parlent-elles ? à des « compliance officers », qui sont de plus en plus déconnectés des gérants. Et qui sont leurs interlocuteurs ? le plus fréquemment ce sont des juristes de l’entreprise dont le souci consiste principalement à montrer que les critères de performance retenus sont acceptables par les agences de conseils, comme ISS et autres Glass Lewis. Les sujets de rémunération, comme l’ensemble des sujets de gouvernance sont de plus en plus traités par des interlocuteurs qui sont de part et d’autre déconnectés des véritables intéressés, c’est-à-dire de ceux qui investissent et supportent les risques de l’entreprise.

Que proposez-vous ?

La quête sans fin de transparence, sur les critères de rémunération en particulier, ne doit pas faire perdre de vue que la gouvernance n’est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à une bonne performance. On juge un arbre à ses fruits et une entreprise à ses résultats, qui se mesurent certes aux critères financiers les plus fréquemment utilisés (Ebitda, marge nette, cashflows etc..), mais aussi à ce qui fait la valeur de l’entreprise, à savoir sa performance dans la durée, sa compétitivité, son attractivité, sa capacité d’innovation et de vision stratégique , ses relations avec l’ensemble de ses partenaires (salariés, clients, fournisseurs, sous-traitants) sans oublier son impact sur l’environnement, – autant d’éléments que les gérants essaient de prendre en compte dans leurs décisions d’ investissements mais qu’il est difficile de faire entrer dans les «  cases à cocher » de ce qu’il est convenu de considérer comme la bonne gouvernance. Pour que la gouvernance soit une aide à la performance, ce qui est sa raison d’être, il faut veiller à ne pas en faire une discipline réservée à des spécialistes mais à la rapprocher des investisseurs qui ont seuls légitimité à exercer le pouvoir

 

Numéro en cours

Numéro précédents