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La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

Bruno Jeanbart, Vice président de Opinionway

Vice président de Opinionway

« Pour l'opinion publique, la priorité extrafinancière n°1 est l’égalité hommes-femmes, dans tous les pays d’Europe ; les attentes sur les questions environnementales marquent une pause générale»

Merci de venir cette année encore ouvrir l’année 2022 avec votre diagnostic sur les sujets et les enjeux à attendre entre sociétés cotées et actionnaires et plus largement parties prenantes des sociétés cotées.

Notre première question porte sur l ‘attente croissante d’une dimension extrafinancière de la performance des entreprises, de la part de tous les publics en France. Constatez-vous cela également dans les autres pays européens?

Oui, je pense que c’est une tendance qui dépasse le périmètre français et concerne l’ensemble des pays européens. C’est un phénomène global qui tend à faire de plus en plus de l’entreprise comme un acteur de la société, avec toutes ses dimensions classiques, économiques, financières, mais aussi des dimensions plus nouvelles, sociétales, des sujets environnementaux, mais aussi d’inclusion sociale.

C’est quelque chose qui avait commencé avant la crise sanitaire, notamment pour les pays de la sphère germanique. La crise sanitaire a souligné l’interconnectivité entre le monde économique et le reste de la société et l’impact sur nos vies quotidiennes. Elle a renforcé le sentiment de vulnérabilité et de fragilité du système économique et de l’incertitude dans laquelle les entreprises doivent se mouvoir aujourd’hui.

Mais le phénomène vient de plus loin. Depuis une vingtaine d’années, à travers un certain nombre de scandales, l’opinion publique a changé son regard sur les entreprises. On a vu le scandale sur les tests de propreté des véhicules en Allemagne, des questions sur les sociétés dans le domaine de l’alimentaire, sur les relations des entreprises avec leurs prestataires et notamment des prestataires agricoles ou sur la qualité des produits et de leurs productions. Les entreprises ont, dans un premier temps, pris conscience du fait qu’elles devaient protéger leur image sur ces sujets extrafinanciers. Puis, en quinze ans, elles sont passées de la nécessité d’affichage à la nécessité de mise en œuvre réelle, et la vérification de cette mise en œuvre par des tiers, comme c’est depuis longtemps le cas pour le volet financier de leur performance.

On a le sentiment pour les sociétés cotées en France que sur cet aspect extra financier, les entreprises cotées et surtout les plus grandes, celles du CAC 40, n’ont pas encore rencontré leur public. Sur l’aspect très symbolique qu’est la rémunération des dirigeants, où elles ont fait leurs meilleurs efforts pour accroître la part d’extrafinancier dans les indicateurs de performance, les scores d’approbation ont reculé de 5 points en moyenne. Comment l’expliquez-vous ?

Observe-t-on la même insatisfaction ailleurs en Europe ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce décalage entre la volonté des entreprises de répondre à cette attente extra financière et la déception des parties prenantes.

La première raison est historique : sur ces sujets-là, il y a eu beaucoup de greenwashing, de volonté de communication plus que d’actions par les entreprises. Il y a probablement la nécessité d’un temps un peu long pour montrer que les entreprises ont vraiment mis en place des actions concrètes, qui répondent effectivement à des attentes des différentes parties prenantes. Sur ce point, la crise sanitaire aide plutôt les entreprises, qui démontrent leur implication. Elles ont été un point d’appui, notamment en mars 2020, quand les choses étaient très difficiles pour beaucoup de citoyens. Elles ont pu parler à leurs collaborateurs de manière différente de ce qu’elles avaient pu faire auparavant. Elles ont été aussi un lieu de socialisation, de maintien de vie dans une période où tout s’est arrêté, notamment dans la période des confinements. Il leur faut maintenant convaincre du fait que ce rôle social ne surgit pas uniquement en période de crise, dans des périodes exceptionnelles, mais qu’elles prennent vraiment en compte tous ces nouveaux enjeux sociétaux.

La seconde raison, à mon avis, est la difficulté à mettre en place des indicateurs de mesure simples, comme il en existe pour la dimension financière. Par exemple, comment mesure-t-on réellement la réduction de l’impact environnemental d’une entreprise ? Le calcul de l’empreinte carbone est très compliqué.  Pour les entreprises, on a un peu la même difficulté de manque de repères que pour la sphère privée. Les citoyens sont parfois un peu perdus sur ce qu’il faut faire en matière environnementale, qu’est ce qui est mieux, faire la vaisselle à la main ou utiliser un lave-vaisselle? Ce n’est pas un choix évident à calculer.

On observe les mêmes phénomènes sur l’inclusion sociale, aussi bien sur les populations issues de la diversité ou sur le rapport hommes femmes. Il ne s’agit pas uniquement de compter les femmes dans les conseils d’administration, c’est plus complexe.

Comment se situe la France par rapport à des pays qui ont plus d’expérience de ce type d’indicateurs?

La société française est celle qui a le plus de défiance à l’égard de toutes les institutions, dont les entreprises font partie. Les Français  adhèrent aux objectifs extrafinanciers des entreprises, mais sont dans l’ensemble plus sceptiques sur la capacité à passer au concret et aux résultats. Le travail de conviction des entreprises pour montrer la réalité de leurs actions est donc plus difficile. D’un autre côté, dans des pays plus avancés en matière extrafinancière, comme l’Allemagne, les entreprises ont été rattrapées par des scandales et des interrogations.

Les pays scandinaves sont plus en avance, avec aussi une prise en compte plus ancienne de ces questions, et notamment sur les questions d’inclusion sociale, la place des femmes dans la société et l’entreprise.

Nous abordons cette année l’élection présidentielle en France. Nous sommes dans un contexte économique extrêmement dynamique, avec notamment des records boursiers pour le CAC40 et pour les autres indices, à l’instar des autres pays européens. Et nous sommes en même temps. malheureusement en plein rebond de la crise sanitaire, et pas seulement en France.

Comment anticipez-vous les réactions des actionnaires qui sont aussi des citoyens? Comment anticipez-vous qu’ils vont prendre en compte cette dimension extra financière?

Le niveau d’exigence par rapport aux entreprises va probablement encore se renforcer, parce que ce ne sera pas perçu comme un frein à la croissance. Les entreprises vont très bien. Beaucoup d’entreprises ont amélioré leurs résultats en 2021, paradoxalement à l’occasion de cette crise, parce qu’elles ont, en 2020 réorganisé leur production, fait des économies de fonctionnement et elles en ont tiré les bénéfices en 2021. Une question, plus tard, sera de savoir ce qui se passera en période de récession. Est ce que ces questions extra financières garderont la même importance quand cela ira moins bien d’un point de vue financier ?

Ce qui va caractériser le volet extrafinancier en 2022, c’est aussi un changement de thématique. Le sujet central devient la question de la place des femmes dans l’entreprise. Jusqu’ici, lorsqu’on parlait extrafinancier, on parlait surtout environnement, changement climatique. La prise de conscience s’est faite en 2018-2019, puis a stagné – sans reculer cependant. Sur le sujet de l’égalité homme-femme, on est dans une période souvent très ascendante en France. Il y a bien sûr la loi Rixain, mais aussi le fait que plusieurs candidats à la présidentielle sont des candidates. Il y a eu beaucoup de prises de parole de femmes sur les violences sexuelles notamment, qui ont aussi contribué plus largement à mettre sur le devant de la scène ce sujet. La sensibilité des hommes a très largement progressé sur ce sujet au cours des derniers mois. Les entreprises vont devoir accélérer. Là aussi, les attentes sont fortes, et les mesures sont difficiles à objectiver.

Et dans les autres pays d’Europe, est ce que vous observez la même chose à la fois une montée générale de l’ensemble de ces critères et plutôt stagnation de la prise de conscience climatique et très forte ascendante du sujet de l’égalité homme femme.

Dans les autres pays européens, on voit le même phénomène sur l’égalité homme-femme, avec des degrés divers suivant l’historique du pays. En Europe du Sud, le sujet monte très vite, comme en France. C’est moins le cas en Europe du Nord, en Scandinavie où, la société était plus avancée. Mais c’est une tendance un peu un peu générale. Enfin en Europe centrale et orientale,  ces sujets sont encore lointains, émergents.

Sur les questions environnementales, le phénomène de pause est global. Comme souvent dans les périodes de crise, on observe un rebond de l’importance accordée aux enjeux économiques et sociaux. Mais comme la croissance a été forte, on peut s’attendre dans le futur à une reprise de la marche en avant de l’importance accordée aux enjeux environnementaux. Les jeunes générations y sont extrêmement sensibles, quelles que soient leurs catégories sociales, quelles que soient leurs activités. La performance économique et financière qui restera malgré tout un indicateur extrêmement important et peut être même le premier dans une évaluation des entreprises.

Bio Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est depuis janvier 2021 vice-président d’Opinionway. Il travaille depuis vingt ans dans la mesure de l’opinion publique, à l’Ifop puis chez CSA, avant de rejoindre en 2006 OpinionWay au titre de directeur des études politiques et d’opinion. Il y développe entre autres les études d’opinion réalisées en ligne, faisant d’OpinionWay le premier institut à publier en France des sondages politiques réalisés par l’intermédiaire de cette méthodologie.

Il met en place et coordonne des dispositifs de mesures électorales en France et à l’étranger et analyse régulièrement les comportements politiques et sociaux dans les médias français (LCI, BFMTV, BFM Business, Le Figaro entre autres) ou étrangers (BBC, Washington Post, CNBC, RTS entre autres).

Opinionway

Opinionway est aujourd’hui l’un des principaux instituts de sondage européens. Fondé en 2000 par trois anciens de Ipsos, OpinionWay a été l’un des premiers instituts à réaliser ses enquêtes en ligne, et a été précurseur dans le renouvellement des pratiques de la profession des études marketing et d’opinion. Forte d’une croissance continue depuis sa création, l’entreprise n’a eu de cesse de s’ouvrir vers de nouveaux horizons pour mieux adresser toutes les problématiques marketing et sociétales, en intégrant à ses méthodologies le Social Média Intelligence, l’exploitation de la smart data, les dynamiques créatives de co-construction, les approches communautaires et le storytelling. Aujourd’hui OpinionWay poursuit sa dynamique de croissance en s’implantant géographiquement sur des zones à fort potentiel que sont l’Europe de l’Est et l’Afrique. OpinionWay est membre actif d’Esomar, certifié depuis 2009 ISO 20252 par l’AFNOR, avec pour vocation de mieux satisfaire ses clients et de faire progresser ses collaborateurs, et membre de Croissance Plus.

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