L’edito de Bénédicte Hautefort

L’opinion publique se retourne contre les défenseurs du climat


Après plusieurs années de soutien inconditionnel aux militants du climat, l’opinion publique évolue en faveur des entreprises, y compris les banques qui financent les énergies fossiles. Cet hiver, les lignes ont bougé d’abord aux Etats-Unis, dans les Etats du sud du Texas et de l’Illinois, où il est désormais de mauvais goût d’afficher une stratégie de décarbonisation. Ce mouvement de balancier est en train de s’opérer en Europe.

Comme toujours, les assemblées d’actionnaires en sont le témoin. Les activistes et les entreprises se sont radicalisés. Les actionnaires individuels, pris entre ces deux camps, choisissent désormais la direction ; et les investisseurs, lorsqu’il s’agit de voter, suivent le mouvement. Les activistes se retrouvent seuls, alors qu’ils pensaient avoir drainé le pouvoir financier vers eux.

Tout a commencé cet hiver. Les défenseurs du climat ont annoncé la couleur : cette année, ce sont les banques qui sont visées, l’objectif étant de couper les vivres aux industries considérées comme polluantes. Les grands investisseurs institutionnels mondiaux les ont publiquement soutenus, car ils devaient eux aussi afficher une politique “verte”. La balance semble pencher fortement en faveur des activistes.

ING a été le premier sur la liste. Le 24 avril à Amsterdam, l’assureur a dû interrompre cinq fois son assemblée générale et faire appel à la police, avant de devoir suspendre définitivement la réunion. Puis, le 5 mai, chez HSBC à Londres, certains participants ont été expulsés de force de la salle. L’opinion publique, effrayée par la police, est restée neutre.

L’assemblée générale de BNP Paribas, le 16 mai en France, a changé la donne. Lors de la présentation des engagements de la banque dans la lutte contre le réchauffement climatique, des militants des ONG Les Amis de la Terre, Action Non-Violente COP21 et Alternatiba Paris ont pris la parole, obligeant l’entreprise à interrompre ses présentations aux actionnaires pendant une vingtaine de minutes. En cause, un prêt de 8 milliards d’euros accordé à Totalénergies par plusieurs banques dont BNP Paribas. Les actionnaires ont bruyamment soutenu la direction, criant aux manifestants de quitter la salle, avec des propos xénophobes – “Go home” applaudi. Et les investisseurs qui avaient initialement soutenu les activistes ont fini par voter en faveur de la direction.

A la Société Générale, le 23 mai, l’ONG Share Actions a interpellé la direction sur le financement de nouveaux projets pétroliers et gaziers, alors que BNP Paribas y a renoncé. Le président a promis une réponse avant la fin de l’année. Les autres ONG, échaudées par l’expérience de BNP Paribas, ne se sont pas exprimées. Au moment du vote, les investisseurs ont à nouveau voté pour la direction.

La raison de ce revirement est que le cadre juridique des actions environnementales est encore trop flou. Des désaccords subsistent sur la définition de l’énergie “verte” et sur la prise en compte ou non des crédits carbone pour compenser l’énergie polluante. Dans le doute, les investisseurs font leur travail : ils soutiennent les plus rentables.

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