ordres du jour, comptes rendus, questions d’actionnaires

La seule qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous des sociétés cotées : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

La veille de l'HebdodesAG

La seule veille qui repose sur la présence effective à TOUS les rendez-vous de 700 sociétés cotées en France et à l'étranger : assemblées générales annuelles et extraordinaires, présentations de résultats semestriels et annuels, investor days

L'invité(e) est :

L’invité de l’Hebdo : Frank Escoubes

L’open leadership ou reconnaissance de nouveaux profils de contributeurs va révolutionner la gestion des ressources humaines.

À la demande des entreprises, notamment les plus grandes, Bluenove organise des débats ou consultations auprès des managers des entreprises. En quoi votre méthode diffère-t-elle des appels à idées classiques ?

D’abord sur l ‘ampleur de la consultation, ensuite sur la méthodologie, rythmée en quatre phases animées par un « apporteur ».

Les consultations s’effectuent sur deux à douze mois et concernent quatre à cinq mille managers qui co-construisent des plans stratégiques avec un horizon étalé entre cinq et quinze ans. Ensuite, notre proposition de valeur réside dans la méthode de consultation qui se déroule en quatre grandes phases pilotées par un « apporteur » qui, aidé d’algorithmes repérant les mots-clés sur le forum, va extraire les éléments clés du débat. Nous structurons l’information en temps réel.

Ainsi, nous prenons le contre-pied des appels à idées en organisant un forum, comme un dialogue dans lequel émergeront progressivement des propositions de solutions au problème initial. Au lieu de solliciter des idées entrantes, nous favorisons des idées sortantes, plus riches, plus stratégiques mais qui, en contrepartie, nécessitent un travail de curation approfondi.

Comment définir les quatre grandes phases de ce débat ?

La première est celle de l’appropriation du sujet par les communautés. Il faut un langage commun, pour les concepts-clés à maîtriser, que l’on obtient par une formation en ligne  type mooc ou par l’offre de questions très ouvertes qui ne donneront pas possibilité aux gens d’intervenir entre eux.

Une fois la conception appropriée, on entre dans la phase deux de générations d’idées avec un forum type « dialogue many par many ». Les interlocuteurs vont raisonner par associations d’idées. Le rôle de l’apporteur sera alors de forcer à la différence. À  la fin de cette phase, on aura fait émerger des idées assez raffinées mais pas encore opérationnelles.

Notre originalité réside alors dans la sélection des idées susceptibles d’être opérationnelles, qui ne sont pas forcément de même granularité. Je m’explique : un participant va poster une idée très forte, répondant aux dimensions clés de faisabilité et structurante mais qui n’a pas généré de discussions. Nous allons la garder et la mettre sur le même plan que celle qui aura généré 450 messages dans un fil de discussions.

On entre alors dans la phase 3 dite d’approfondissement. Autant la phase précédente était ouverte, autant celle-ci est orientée. Les questions sont très définies et formulées sous forme de 2 colonnes qui apparaissent sur l’écran. Il s’agit de forcer l’attention des participants à traiter un nombre limité de facteurs d’analyse : force/faiblesse d’une idée, impact long terme/court terme, avantage/inconvénient, faisabilité juridique/ faisabilité financière…

À ce point, les recommandations ou options ont été passées au crible et sont devenues comparables entre elles. La phase 4 sera celle de la priorisation ou de la sélection par votes et mécanismes de vote sur des choses qu’on comprend bien.

Comment maintenir l’intérêt des participants ?

Pour lisser les vagues de participation, nous recourons à une stratégie de communication qui sera maintenue dans le temps et, pour le départ, nous utilisons des « ambassadeurs », managers de qualité pré-sensibilisés qui lanceront le débat.

Ils sont aidés par notre « gestionnaire de communautés » qui animera les communautés de contributeurs aux profils divers. Dans toute démarche de cette nature, qui ressemble à une pyramide inversée, les pro actifs donnent le « la », ils ne sont que 5 à 10 % ; en rebond viennent les réactifs qui n’initient pas mais réagissent à ce qui les concerne (20 à 25 %). Dans la même proportion viennent ensuite les « micro-actifs » qui ne rédigent pas d’avis mais réagissent par micro-actions -like, partage, ou votes. Leur rôle est crucial : ils valident les propositions par leurs réactions. Nous avons créé à leur intention des sortes d’émoticônes « j’ai pas tout compris », « j’ai besoin d’informations », « l’argumentation me paraît faible »…) à partir des quelles nous créerons un « sentiment mating ». Enfin, il existe la population très importante au rôle aussi crucial que celui des micro-actifs, celle des « apprenants ». Ils n’interviennent jamais dans le débat mais par la mesure du temps qu’ils passent sur telle ou telle idée, ils permettent d’anticiper la réception future de l’adoption d’une stratégie.

Ces consultations fonctionnent comme un média, leur contenu est très riche, d’où un taux moyen de duration proche de vingt minutes, supérieur à celui d’un débat d’idée ou d’un journal en ligne.

Ces consultations modifient la gouvernance des entreprises. Êtes-vous sollicité par les administrateurs ?

Pas encore. Au départ, nos consultations étaient sollicitées par la direction de la responsabilité sociale ou de la communication. Aujourd’hui, la dynamique des consultations est plus centrale et nous sommes en contact avec les directions générales ou de stratégie ou encore des business unit.

Votre démarche entraîne-t-elle une évolution dans le modèle du leadership en entreprise ?

Nous avons le sentiment que notre logiciel Assembl et sa méthodologie sous-jacente créent une rupture absolue dans la façon dont les organisations prennent des décisions. Le pilotage des entreprises par des experts sera vite remplacé par un paradygme de la contribution.

L’« open leadership » ou reconnaissance de nouveaux profils de contributeurs -« solutionneurs », « stratégistes », « actionneurs de réseaux »- va révolutionner la gestion des ressources humaines. Les référentiels de compétences classiques perdent de leur sens car il s’agit désormais de piloter des sous-communautés et non des individus.

P

Pour notre part, nous voulons continuer à contribuer à la diffusion de cet « open leadership », en nous concentrant sur l’analyse de la consultation qui deviendra plus importante encore que son résultat. Les métriques et indicateurs de comportements apparaîssant sur les plateformes seront analysés par des outils d’intelligence artificielle que nous élaborerons en collaboration avec des instituts de recherche, comme le MIT ou le pôle de Montréal

Vous travaillez pour des organisations publiques. Quel est votre avis sur la « civil tech » ?

Deux cas de figure se présentent dans le secteur public. Soit l’organisation ou la collectivité utilise ces méthodes comme le privé. Il s’agit de mobiliser ses propres agents pour définir la vision future de l’organisation. Soit elle mobilise des citoyens ou des écosystèmes publics-privés. Ces démarches sont à peine naissantes.

La civil tech qui est censée gérer ces consultations citoyennes s’est concentrée de façon, à mon avis, obsessionnelle, sur la fabrique de la loi, en France comme ailleurs. Le réflexe premier des militants de la civil tech est la transparence de la démocratie, du processus législatif de fabrique de la loi. Si vous prenez l’exemple de la « république numérique » qu’avait initié Axelle Lemaire, il s’est agi d’un succès en tant que nombre de personnes participant à la consultation mais pas en tant que résulat concret. Si vous prenez un sujet complexe, tel l’e-sport ou la portabilité, seuls les spécialistes du sujet s’en sont emparé.

Nous préférons participer aux définitions des politiques publiques et aux visionning collectifs, du type accès au soins de santé, développement économique des territoires. Par exemple, nous travaillerons pour l’université d’Harvard sur la gouvernance et l’éthique de l’intelligence artificielle : dans les relation homme-machine, quels droits pour la machine ?

–Propos recueillis par Marie Lafourcade

Propos recueillis par Marie Lafourcade

Frank Escoubes, cofondateur et co-dirigeant de Bluenove a 20 ans d’expérience en conseil en stratégie, dont 8 ans chez Deloitte au Canada.

Il a créé en 2011 la plateforme Web collaborative Imagination for People dédiée à l’innovation sociale et sociétale.

Ashoka Fellow depuis 2012, il est aussi romancier et écrit chaque jour un ou deux aphorismes sur Facebook et Twitter.

 

Bluenove est née de la fusion en 2014 entre une société française, du même nom et créée par Martin Duval, spécialisée dans le conseil en « open innovation » et intelligence collaborative. Depuis sa fusion en 2014 avec la société canadienne fondée par Frank Escoubes, elle est propriétaire de ses outils technologiques, notamment le logiciel Assembl, développé en partenariat avec le MIT américain.

Près de 70 % de son chiffre d’affaires est réalisé auprès des grands groupes privés, le reste auprès d’entités publiques, locales, nationales, européennes ou internationales.

Numéro en cours

Numéro précédents