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La veille de l'Hebdo des AG

L'édito de Bénédicte Hautefort

Un effet inattendu de la loi Florange : certaines rémunérations de dirigeants passent, malgré l’opposition de la majorité des actionnaires
Avec la loi Florange en 2015, deux-tiers des sociétés du SBF120 ont mis en place des droits de vote double : cela fait désormais partie du paysage français.
Qu’est-ce que cette loi a changé ? Elle n’a pas ralenti le rythme des attaques activistes, qui était son but premier. Comme l’avait mainte fois martelé M. Pierre Pringuet, à l’époque Président de l’Afep, cette loi s’est au contraire confirmée comme une arme de plus aux mains d’actionnaires contestataires. En menaçant de peser en deux ans deux fois plus lourd sur les votes, sans rien avoir d’autre à faire qu’attendre, ils ont été nombreux à faire pression sur les managements : chez EuroDisney (Elliott), Casino (Muddy Waters), Vivendi (PSAM), Rexel (Cevian), Airbus (TCI), Nexans (Amber Capital), Club Méditerranée (CIAM), Compagnie des Alpes (Guy Wyser-Pratt), …
Alors, qu’est-ce que la loi a changé ? La loi Florange a profondément modifié la donne en matière de gouvernance, car elle permet de faire voter les sujets que désapprouvent les investisseurs anglosaxons traditionnels, ceux qui passent par les « proxy ». Les clients d’ISS ou Glass Lewis, en effet, ne sont pas les activistes. Ceux-là votent directement, sans avoir recours aux services d’un tiers. Les clients des « proxy » sont les investisseurs de long terme, qui votent scrupuleusement toutes leurs lignes mais n’ont pas les ressources pour analyser chaque ligne de leur portefeuille, surtout dans les zones considérées comme « complexes » telles que la France. Ce sont, notamment, tous les fonds de pension américains et britanniques, les CalPers, Fidelity, Templeton, … tous ces investisseurs qui représentent, au total, environ 40% du capital du SBF120. Or, ils répugnent à placer leurs actions au régime nominatif, parfois même n’en ont pas le droit de par leurs statuts. Ils ne bénéficient donc pas du droit de vote double. Faisons le calcul … ces actionnaires représentent environ 40% du capital du SBF120, ils votent, pour la plupart, très scrupuleusement, mais avec un seul droit de vote par action. Sur les 60% restant du capital, la moitié seulement font leur devoir démocratique, et deux-tiers de cette moitié a un droit de vote double. Arithmétiquement, c’est assez pour faire passer des résolutions qui, sinon, auraient eu beaucoup de mal. Y compris des résolutions votées à la majorité simple, comme les sujets de rémunération.
L’enquête de l’Hebdo cette semaine montre que c’est, en effet, le cas de 5 « Say-on »Pay » sur 38 des sociétés qui ont tenu leur assemblée depuis le début de l’année. Les « proxy » ne mettaient pas en cause le montant en valeur absolue, mais demandaient davantage de transparence sur le mode de calcul des bonus. Sans les droits de vote double, ces 5 dirigeants n’auraient pas pu toucher leur bonus 2017.
Nos politiques ont le pouvoir de « détricoter » cette loi Florange dont l’application n’a plus rien à voir avec l’esprit initial. Ils le feront peut-être. En attendant, chacun de nous a le pouvoir de saluer, faire savoir et recommander les efforts faits par les sociétés qui, à propos de rémunération, obtiennent l’approbation de leurs actionnaires sans avoir besoin de faire jouer des droits de vote double.

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